mercredi 31 mars 2010

]Art & Hasard] _ Exposition Lisette Model // Jeu de Paume // février-juin 2010

Cette exposition fait du bien au moral ! Pourquoi ?

Parce qu’elle ouvre des perspectives à tous ceux et celles qui, ont des velléités de photographies et ne sont pas des techniciens chevronnés.
Parce que les photos semblent, sont ( ?) accessibles, à portée de tout un chacun. Cela ne veut pas dire qu’elles sont forcément simples à réaliser !

Les cadrages sont rapprochés, intimes, en prise directe avec la réalité des sujets mais jamais de manière intrusive. Lisette Model les multiplie à l’infini, toujours de façon originale, peu orthodoxe par rapport aux fameuses règles « d’or » ou aux conventions de son temps : vues en contre-plongée, vues de dos, vues de travers, autant d’angles qui renvoient tous à l’œil, ce coup d’œil du photographe sur le monde. Lisette Model n’a jamais pris de cours, à part quelques conseils d’une amie ou deux, auprès de qui elle a bien voulu retenir ceci : « ne prends jamais ce qui ne te passionne pas ». Elle en a fait son mot d’ordre, qu’elle transmettra plus tard à ses élèves lors de ses nombreuses années d’enseignement « Photographiez avec vos tripes ».

Que comprend-on d’elle à travers son coup d’œil ? Que c’était vraisemblablement une personne peu encline aux faux semblants, portant un regard ironique sur les sophistications d’une bourgeoisie imbue d’elle-même, cherchant à révéler ses sujets en saisissant leur posture, leur regard dans ses photos sans concession mais sans animosité, humaines. Qu’elle était attirée par les extrêmes, riches (série « Promenade des anglais ») ou démunis (série prise dans le Lower East Lang), rangés (photos à l’Opéra) ou appartenant au monde de la nuit, des bars et cabarets. Qu’elle a été également subjuguée par son arrivée à New York, par l’effervescence de la ville (série « Pedestrians ») et ses miroirs (série « Reflections »).

Le parcours de l’exposition est ludique, les photos regroupées par séries. L’entretien enregistré dans les dernières années de sa vie permet vraiment de se rendre compte de sa technique de photographie. « L’instant fait la photo » nous dit-elle. Et elle fait mine de ne pas comprendre les questions du journaliste dès que celles-ci sont trop théorisantes. Il est surprenant d’apprendre qu’elle prend ses clichés, le plus souvent, à l’insu des sujets, ne souhaitant pas leur parler pour ne pas gâter ce quelque chose intangible et éphémère qui se dégage de leurs personnalités. Elle photographie en toute simplicité, à l’instinct, des êtres aux formes gourmandes de préférence.

Il en résulte une vraie galerie de portraits grasseyantes, énergiques, sociales et terriblement vivantes !
Bon, « ya » plus qu’à !!


source photos : Jeu de Paume / exposition Lisette Model

mercredi 24 mars 2010

]Claque du jour] _ Pavillon des Arts et du Design / jardin des Tuileries / 24-28 mars 2010

Par un hasard de circonstance réjouissant, je me suis retrouvée invitée au vernissage de l’édition 2010 du Pavillon des Arts et du Design qui se tient au Jardin des Tuileries du 24 au 28 mars 2010, salon d'un extrême raffinement qui regroupe les plus fines galeries parisiennes et internationales.

Ambiance nocturne, feutrée, onirique et quasi-iréelle, où les oeuvres sortent de la pénombre, mises en valeur dans des écrins de lumière étudiés. Ambiance dandy-arty-chic décalée, négligemment sophistiquée, où l'on croise un kilt sobre allégé de son tartan traditionnel mais porté avec nonchalence, foulards et étoffes aux couleurs chatoyantes dans des associations inédites. Bien venu dans l'excellence et le bon goût dépoussiérés du classicisme !

Stimulante et exigeante, la sélection des galeristes est un vrai régal pour les yeux et les neurones, pour qui apprécie l’originalité, la facture des meilleurs artistes - qu’ils soient designers, peintres, sculpteurs, photographes, ou encore bijoutiers, orfèvres, l’étincelle de la création d’exception, passée comme future.
Les pièces de mobilier uniques ou en édition très limitée appartiennent à un design historique à la valeur reconnue mais rivalisent d’inventivité et de modernité. Se succède une sélection éclairée des pièces de designers français, scandinaves - Pierre Paulin, Hans Wegner (un de mes préférés), … Mais on retrouve également les œuvres de peintres modernes dont l’héritage a influencé la création contemporaine. J’ai d’ailleurs pu voir une très belle exposition des peintures actuelles de H. Craig Hanna présentés par la Galerie Laurence Hesnol.
Mon autre dada, les œuvres d'art africain et océanien sont également brillamment présentées. L’on peut ainsi admirer de magnifiques masques (songye notamment, ou sepik) présentés par la Galerie Flak, ou encore une margelle de puits en bois à la Galerie Afrique qui pourrait tout à fait s’interpréter comme une scupture contemporaine abstraite.

Mes seuls regrets, soirée trop courte, mon compte-rendu forcément restrictif et incomplet.

En un mot, un régal somptueux à ne pas manquer !

mardi 23 mars 2010

]Art & Hasard] _ ArtParis+Guest 2010 // 2

Je me rends compte à la vue des quelques clichés que j'ai pris des choix inconscients que j'ai faits. Je vais essayer de comprendre ce qui a concouru à me faire appuyer sur le bouton de l'appareil photo.

Mes choix se sont visiblement portés sur des présentations qui véhiculent des messages forts, en général sur le mode de la provocation. Par exemple, cette oeuvre de l'artiste Kata Legrady s'appuie sur une photographie parfaite et aseptisée comme moyen de mise en relation de deux univers étrangers, le monde de l'enfance, de l'innocence et de l’insouciance avec le monde de la violence et de la souffrance, le monde de la guerre, et ce, à travers l’utilisation d’objets porte-paroles, les bonbons et les bombes. Nous rappelle-t-on que les grands dans leur folie invitent les enfants dans leurs jeux sanglants ? Ces objets de guerre rendus d’une beauté naïve et froide mettent mal à l’aise.

Tout en utilisant un medium différent, la proposition de cet artiste sur la plate-forme indonésien relève aussi de la provocation. La pratique employée est plutôt du genre hybride (entre installation et sculpture) et c'est encore la confronation de matériaux de connotation opposée (ce squelette sculpté et doré à l'or fin et cette denrée périssable qu'est le riz) qui fait jaillir la provocation pour dénoncer l'ironie de ce monde où la moitié de la planète se "baigne" nonchalamment dans la surabondance alimentaire tandis que l'autre moitié de l'humanité ne mange pas à sa faim.

Le traitement de la photo de cet artiste Zang Penguins joue sur le décalage pour engendrer la gêne, un terroriste afghan (Ben Laden ?) prenant en otage une babydoll, symbole acidulé et ultra féminisé à l’air triste, rappelant à la fois, la contrainte des femmes musulmanes qui sont cachées derrière le voile intégral, leur prise en otage dans le monde taliban, mais également peut-être la prise en otage par les afguansd'un occident "égaré". L’image dérange tout pareillement. 

Dernier exemple, cette photo de Hat group, issue de la série "Life series" : mi-monstre, mi-pachyderme, cette femme enceinte nous parle-t-elle de Tchernobyl ? des conditions sanitaires en Russie ?







Toutes ces œuvres agissent, par la transgression et la provocation, comme détonateur de la pensée pour nous faire réfléchir sur des messages - parfois simplistes ou simplificateurs. Ces oeuvres ne cherchent pas « à faire ou à dire beau » - même si on ne peut s'empêcher de leur trouver des qualités esthétiques certaines - mais à "dire juste" quitte à faire mal et en ce sens sont résolumment contemporaines.

lundi 22 mars 2010

]Humeur] _ ArtParis+Guests // Grand Palais - 18 au 22 mars 2010


Dimanche 21 mars 2010

Je voudrais d’abord vous remercier, charmant monsieur, qui êtes venu m’offrir un carton d’invitation alors que je faisais patiemment la queue hier pour entrer sans passe-droit au Grand Palais. Votre proposition fut si soudaine et mon temps de réaction si long que je ne suis pas certaine d’avoir montré le réel plaisir que m’a fait votre délicat cadeau ! Merci encore !
Cela fait quelques temps maintenant que je m’intéresse à la passionnante mais difficile question de l’art contemporain, de sa définition, de son objet, de sa valeur et de sa valorisation. Comme tout pionnier, l’artiste contemporain qui introduit « une rupture artistique », du même ordre que les ruptures technologiques dans les processus d’innovation, est incompris ; son approche reste difficile d’accès à ses mortels « contemporains » peu éduqués, peu préparés à voir et expérimenter ce genre nouveau. Mais l’apport de cet artiste, apport trop récent, n’est pas encore passé sous la secousse sévère (mais juste !) du « tamis de l’Histoire » qui sépare à coup sûr (?) le bon grain de l’ivraie. D’où cette question qui me taraude à chaque fois que je visite une foire d’art « non stabilisé » : comment font les galeristes pour choisir et sélectionner les artistes qui « valent le coup », ceux qui laisseront une empreinte et auront leur page dans le grand Carnet de l’histoire de l’Art.

Faut-il crier au génie lorsqu’on a l’impression de se trouver devant un projet de fin d’étude mal abouti d’un étudiant d’art au parcours moyen ? Est-ce votre jugement forcément peu éduqué qui fait défaut et vous ne savez par reconnaître cette fameuse rupture évoquée plus haut et donc vous ne savez décoder les qualités intrinsèques de l’œuvre ? Certes, le présent ne se comprend et l’avenir ne s'invente qu’à la lumière du passé mais bon, quand même !! Ou bien cet artiste s’est retrouvé sélectionné par un système de valorisation qui a bien peu à voir avec l’œuvre elle-même mais découle du choix convergent de quelques « sachants » qui font et défont le marché de l’art, mus par des intérêts de quels types ? personnels ou communautaires ? sociaux et culturels ou plutôt économiques et politiques ?

Je ne désespère pas de trouver la réponse.

En attendant, je vous ferai partager les quelques coups d’œil subjectifs d’une néophyte de l’art contemporain.

vendredi 19 mars 2010

]Humeur] _ Ousmane Sow à propos de Ndary Lo

"Qu'il soit cinéaste, écrivain, peintre ou sculpteur, j'aime découvrir un artiste en regardant d'abord son œuvre. Car c'est dans la solitude de la création que l'artiste se révèle.
Ce qui m'a plu chez Ndary Lo, c'est la manière dont il sait mettre son talent au service de la découverte d'autres techniques et d'autres matériaux.[...]
Lorsque plus tard, j'ai fait sa connaissance j'ai compris qu'il savait ne pas bousculer le temps[...].
Je sais par expérience que c'est au prix de ce détachement qu'un artiste peut poursuivre librement sa création.
..."

Source : extrait de citation et photos tirés du site de Ndary Lo

jeudi 18 mars 2010

]Art&Hasard] _ Romuald Hazoumé, artiste "bidon"

Afrique et Art contemporain, l’association ne parait pas immédiate. Lorsqu’on lit le rapport annuel du marché de l'art 2009 publié par ArtPrice, on décompte peu d’artistes du continent africain, notamment parmi le top 500, classement des 500 premiers artistes par chiffre d’affaires ! Et pourtant ! Connaissez-vous par exemple cet artiste béninois du nom de Romuald Hazoumé.

C'est un portraitiste d'un nouveau genre qui emprunte les codes d'un moyen d'expression séculaire en les détournant. Il crée des masques, toute une galerie de masques que je verrais bien habiter sur un nouveau mur de ma "galerie des masques". Il en résulterait un vrai vacarme d'ailleurs, car ces masques "contemporains" se mettraient sans doute à palabrer avec leurs voisins plus anciens et ils leur en raconteraient des choses sur le monde actuel. Ils raconteraient sans doute leur "esclavage", lié au trafic de l’essence car les bidons achetés au marché de Porto Novo au Bénin sont ensuite revendus plein d’essence par les trafiquants à la population béninoise.

Le personnage a des convictions ; sa démarche artistique est engagée, critique, politique. Il « sort » ses masques c’est-à-dire qu’il reprend toutes les étapes de la création. Il essaie de comprendre le pourquoi de ces masques (appelés kaélétas) fabriqués par ses ancêtres yoruba, lui qui a été élevé dans une famille catholique. Le parallélisme de sa démarche avec la mienne est tellement flagrant que cela en est troublant. Mais lui s’est plongé dans la région originelle, celle du Fa, pour comprendre son avenir. Le Fa est une région s’étendant du Nigéria au Ghana, c’est aussi l’oracle qui permet de savoir l’avenir. Il utilise cette double appartenance, il utilise ses contraires intérieurs pour essayer de les réconcilier dans la création de ses masques, à partir d’un medium peu orthodoxe, le bidon, en décalage complet avec les coutumes ancestrales yoruba.

L’artiste a fait plusieurs expositions s’interrogeant tour à tour sur ses origines, sur les nouvelles formes de l’esclavage, sur la situation de son pays, mené par des gouvernants qui s’enrichissent sur le dos des populations désorientées.

Il utilise le bidon mais élargit également ses réalisations, à la photographie ou encore à des mises en scènes qui sollicitent plusieurs sens, olfactifs et auditifs.

Et si vous avez envie d'en savoir plus, je ne saurais que vous conseiller la lecture d'une histoire par l'interessé lui-même qui vous montrera tout l'humour de ce sacré personnage.

Par ailleurs, il sera visible lors de la prochaine foire d'art moderne et contemporain qui se tient au Grand Palais en ce moment, du 18 mars au 22 mars 2010.
 
Bonne nouvelle !

mardi 16 mars 2010

[Kr]'ations _ interrupteur Pâte à modeler

IDEE KR'ATIVE [16/3/10]
Cela fait un moment que j'ai cette image en tête.
Allez, je me lance... en attendant une mise en oeuvre concrète.
L'objectif est de travailler l'interrupteur comme un objet en pâte à modeler, d'en faire quelque chose qui n'est plus une production "industrielle" impersonnelle mais nous ramène à l'enfance et à nos "chefs d'oeuvre" inoubliables.
Le contact pour allumer et éteindre se fait justement, par une caresse, dans une empreinte digitale, grâce à une surface tactile logée dans le fonds de l'empreinte (métal). Le matériau que j'utiliserai pour l'interrupteur, la porcelaine, permettant le rendu irrégulier et malabile de l'enfant.

lundi 15 mars 2010

]Humeur] _ facétieuse // Takeshi Kitano // Gosse de Peintre

"Dis, on peut retourner voir l'exposition de Takeshi Kitano, aujourd'hui !" me dit la petite voix fluette de ma fillette de 3 ans.
Comme vous pourrez le constater, Takeshi Kitano et la Fondation Cartier ont atteint leur but : s'adresser aux enfants de tous ages, même les plus jeunes et leur raconter une version inédite de l'histoire du monde, leur donner une vision facétieuse, décalée, poétique ou parfois dure du réel ; dans tous les cas, originale où l'on sent bien que rien n'est gratuit. 

Les petits apprécient les nouvelles raisons données à la disparition des dinosaures (enfin certaines!), les mésaventures  des ventilateurs qui ne tournent jamais comme on l'attendrait, ou encore cette fameuse machine à fabriquer des dessins à la Pollock ! Ils ont adoré interagir et dessiner leur personnage, ou autres sujets proposés. Quand on en vint aux plans cachés de l'armée japonaise montrant les projets de véhicules hybrides, drôle de fusion d'animaux et d'objets, l'excitation fut à son comble ! Et l'on se prend à penser que ces êtres mi-monstrueux ne sont pas très éloignés de ceux que Hayao Miyazaki imagine dans ses dessins animés. 

L'exposition se poursuit en sous-sol avec une présentation de Beat Takeshi Kitano, véritable icône au Japon pour ses oeuvres comiques, loufoques et télévisuelles, ou encore Kitano en "peintre du dimanche" comme apparemment il se désigne lui-même, avec un aperçu de ses oeuvres naives et pop.


L'exposition proposée par la fondation Cartier est rafraichissante. L'Homme présenté, acteur et réalisateur de cinéma, comique et animateur d'émissions TV, peintre et écrivain, force l'admiration sous ses airs d'enfant facétieux et d'adulte humble et rugueux !

Initiative originale !


Photos : site internet Fondation Cartier

jeudi 11 mars 2010

]Humeur] quasi-indienne // Akram Khan

J’avais envie de faire partager mon engouement, allez osons-le, mon amour pour les chorégraphies composées par Akram Khan.

Pourquoi aujourd’hui ? Je ne saurais dire au juste, peut-être parce que ma mère revient d’Inde (bon d’accord, il est du Bangladesh ! ce n’est pas pareil). Peut-être parce qu’en ce moment, il y a un très bon numéro d’IDEAT sur l’Art et le Design et que ce numéro aborde notamment un sculpteur contemporain indien qui m’intrigue. Et de fil en aiguille, mon esprit s’est mis à penser à Anish Kapoor, Nitin Sawhney, Hanif Kureishi, autant d’influences anglo-indiennes avec lesquelles Akram Khan justement a collaboré. Promis, dans mon filon indien, je reviendrai bientôt sur tous ces auteurs de disciplines différentes.

Alors Akram Khan ? J’ai fait sa connaissance (indirecte bien sûr) avec son spectacle Kaash qui était proposé au Théâtre des Abbesses en 2002. Et ce fut la révélation ! Depuis, j’ai vu « Zero Degrees » en 2005 en duo avec Sidi Larbi Cherkaoui et « In-I »en 2008 en duo avec Juliette Binoche en 2008.

Qu’est-ce que j’aime exactement chez ce chorégraphe ? Sa danse bien évidemment, rapide, fluide, contrôlée, féline qui emprunte des chemins que je n’avais jamais vus auparavant. C’est, entre autres, ce qui me fascine dans la danse : pouvoir donner à voir et faire émerger des possibilités de gestes, en puisant dans les influences de la vie quotidienne, du théâtre, de la danse, de la tradition et du folklore, d’ici ou d’ailleurs. Akram Khan puise l’essence de son travail contemporain dans le « kathak », danse traditionnelle du nord de l’Inde, destinée à propager les grands récits mythologiques de l’Inde auprès des populations. J’aime cette démarche de métissage et cette volonté d’obtenir une mixtion « stable » entre deux éléments a priori antinomiques que tout tendrait à séparer. Je trouve qu’il décrit d’ailleurs très bien le but de son travail de recherche « en danse » dans cette citation (article issu du programme saison 2005/06 de la Maison de la Danse / Lyon) :

"Je suis très sensible à la qualité de la danse produite par la rotation, la vitesse, qui rapproche historiquement, et sur certains points intellectuels, le kathak du soufisme ou des derviches. Le développement d'une énergie continue qui amène le danseur au bord de l'explosion et qui soudain peut être contrôlée dans une extrême lenteur est au coeur de mon travail." "Je veux garder l'explosion physique du kathak, sa complexité rythmique, tout en m'appuyant sur son écriture géométrique pour inventr ma propre gestuelle. Cette tradition est la base de ma recherche et non un simple habillage."

Allez j'arrête là pour aujourd'hui. Il faudra que j'y revienne car il a exploré bien d'autres voies dans son travaiL



photos : site internet Akram Khan

mercredi 10 mars 2010

]Petits Compagnons] _ Regards Punu // 2

Kaolin, losange d’écailles et raphia, passeurs spirituels !

Les fameuses « Correspondances » de Baudelaire s’appliquent tellement bien dans le monde africain. En lisant la littérature relative aux masques Punu, on apprend que ces masques sont utilisés lors de cérémonies funéraires pour commémorer l'esprit des défunts.


C’est le « mukuyi » (dans le bassin de la Ngounié au Gabon) qui commémore les défunts, masculins ou féminins (esprits des jeunes et belles filles mortes). Le danseur porte un masque « corporel », composé d’un vêtement en raphia, et pour la tête, de notre fameux masque punu. Il est monté sur des échasses, en signe d’élévation et d’autorité, tient un chasse-mouches, symbole de sagesse et exécute des danses acrobatiques au milieu de l’assistance.

La patine blanche du kaolin qui recouvre le masque est souvent utilisée pour représenter les esprits des ancêtres, et donc, la mort ou la réincarnation. Il fonctionne comme un pont jeté permettant de « passer » vers un autre monde. Autre marque de l’au-delà, le motif en forme d’écailles, à neuf losanges. Les neuf losanges frontaux représentent les mythes fondateurs du monde punu, le point central étant l'esprit créateur qui a engendré les quatre points cardinaux (le monde) et les deux couples primordiaux (les humains). Ils évoquent la perfection et la sagesse. Ce signe, dont le motif le plus courant comprend neuf losanges, est nommé « mabinda » et était gravé dans la chair des enfants (entre dix et quatorze ans).

mardi 9 mars 2010

]Claque du jour] _ Madame Plaza de Bouchra Ouizguen


Quatre corps de femmes, trois divans et le silence ... Tel débute ce spectacle dont je n'attendais rien, sans idée préconçue; ce titre énigmatique ne dévoilant rien de ce qui allait nous être donné.

Mouvements lents, très lents des membres qui s'allongent, se déroulent, se déplacent sans but apparent, mus par l'extrême lassitude du soir qui s'est installé subitement sur l'espace scénique. Les gestes sont décomplexés, ce sont ces gestes d'abandon qu'on fait sans réfléchir lorsqu'on est entre soi.
Les corps façonnés par l'existence s'imposent tout de suite à vous, violemment, tant ils sont ancrés dans le présent, dans la chair, dans la vie même. Le décalage entre la vision inhabituelle (car habituellement niée dans les sociétés occidentales) de ces corps imparfaits et la gestuelle qu'ils empruntent est saisissant voire déroutant. Ils dansent un langage contemporain, abstrait, actuel qui nous prend à contre-pieds et semble contredire l'autre histoire qu'ils nous racontent, une histoire de femmes mûres, habituées à lutter pour exister et qui n'ont pas peur de s'abîmer dans ce long combat. Où souhaite-t-on nous emmener ?

La mélodie jaillit enfin, enveloppant les danseuses dans une plainte lancinante qui semble les habiter depuis longtemps. La couleur de cette musique est celle de leur culture, marocaine ; elles la connaissent.
Les mouvements s'individualisent, se font plus personnels, à mesure que chaque danseuse s'exprime dans l'espace confiné de ce gynécée. Solos, duos. On commence peu à peu à les connaître, à entendre l'histoire qu'elles se racontent, qu'elles nous racontent, à entrevoir le caractère de chacune. Elles sont libres et leurs gestes (aléatoires) de défoulement crient cette liberté.

Le calme revient peu à peu. Elles se roulent et s'enroulent, s'emmêlent au sol dans une lourde pénombre lorsque le cri libérateur jaillit, comme une étincelle, avec une force qui électrise. Incantations puissantes, rageuses, énergiques, loin de la douce complainte précédente. Ces femmes ne s'en laissent pas compter. Elles sont dérangeantes, elles bousculent l'ordre établi. Elles sont fortes et n'ont pas peur.

Duo de deux danseuses sur un air japonais. Sommes-nous transportés au Japon au temps des gueishas, ces femmes libres et séduisantes ? L'une des danseuses s'est transformée en homme. Cette présence  intrusive semble introduire la contrainte chez les deux autres femmes. Se cachent-elles ? Observent-elles ? Les rapports changent. La danse se fait séduction. Mais l'humour de la danseuse femme introduit une distance salvatrice et montre, semble-t-il, qu'elle n'est pas dupe de ce jeu qui l'emprisonne dans son rapport à l'homme.

Ces quatres danseuses nous ont pris par la main et nous ont emmené un instant sur le chemin de leurs vies... Nous nous sommes laissés entrainés sans même nous en rendre compte.

Objectif atteint.

 source photo : site du Centre pompidou

vendredi 5 mars 2010

]Claque du jour] _ Shutter Island de Martin Scorsese

Passage dans une salle obscure pour voir le dernier Scorsese, Shutter Island. J’avoue avoir regardé le film, pendant une grande partie, au premier degré. Je n’ai rien vu venir des incohérences flagrantes (a posteriori) qui sont introduites au fur et à mesure pour nous décoller de l’empathie qu’on ressent instantanément pour le personnage principal. Le Marshall Daniels, brillamment incarné par Leonardo diCaprio, mène une enquête sur la disparition d’une détenue de ce centre pénitentiaire d’un nouvel ordre qui conjugue soins médicaux et peines capitales. On apprend au fur et à mesure que le marshall enquête, en fait, sur un certain Laeddis, pyromane notoire qui aurait tué l’épouse du policier en mettant le feu à leur immeuble et aurait été interné là. Daniels aurait également découvert que des expériences médicales seraient exercées, sur cette ile isolée, au nom de la découverte scientifique. Scenario digne des policiers de série B, pas vraiment crédible pour un réalisateur comme Scorsese. Alors ?

C’est que le réalisateur nous emmène ailleurs, son propos n’est pas là. Il souhaite nous immerger très profondément dans une réalité déformée par les « mécanismes de défense ». Notre psychisme ne serait-il pas ébranlé, comme celui de Daniels, face à l’expérience insupportable des camps nazis ? Comment réagirions-nous face à la perte d’un être cher qui avait, lui aussi, ses failles ? Est-ce vraiment un complot universel ou plutôt les mécanismes d’un cerveau fragile qui ne peut faire face à une réalité et à une douleur qui le dépasse. Cela nous amène tout naturellement à réfléchir sur notre rapport au réel, forcément déformé par le prisme que chacun d’entre nous a crée au fur et à mesure de la construction de sa personnalité, au gré des joies et des traumatises d’enfant ou d’adulte. Le film pose également la question du traitement de ces déviations lorsqu’elles sont trop importantes ? Nous sommes tous un peu fous mais la médecine peut-elle parvenir à soigner toutes les folies ?

Réponse en allant voir ce superble film.  

jeudi 4 mars 2010

]Humeur] _ Après trois ans // Paul Verlaine // Poèmes Saturniens

Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.

Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin...
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.

Les roses comme avant palpitent, comme avant
Les grands lis orgueilleux se balancent au vent.
Chaque alouette qui va et vient m'est connue.

Même, j'ai retrouvé debout la Velléda
Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue,
- Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.

mercredi 3 mars 2010

]Petits Compagnons] _ Regards Punu

Je pose souvent mon regard sur ce mur de masques, ma galerie des masques comme je l’appelle. Parfois lassée par une journée stérile, je m’installe sur mon fauteuil à bascule pour un face à face toujours fructueux. Mes yeux se défroissent à leur contemplation, parfois, je les scrute de très près pour examiner leur facture, leur originalité. Parfois, mon regard les traverse et s’appuie simplement sur eux, comme sur de vieux amis, pour une rêverie éveillée. Parfois, mon regard est plus inquisiteur, et voudrait percer le non-dit de leur présence.

A chaque fois, mes petits compagnons, tous sans exception, me renvoient leur beau regard intérieur mais que dit-il ?

// Masque Punu /// Gabon

C'est par ce masque que j'ai commencé à entrer dans ce nouvel univers. Il était accroché au mur d'une galerie voisine ... et je suis passée, repassée devant pendant des jours, attirée par ce doux regard mi-clos, aux yeux en amande boursouflés par un sommeil trop lourd, regard étrange qui semble voir un au-delà intérieur. J'avais l'impression que ce masque m'appelait et voulait partager quelque vérité insoupçonnée, qu'il n'était lui-même que la partie immergée d'un "autre chose".
 Ses yeux fermés sont énormes, marqués, presque aussi disproportionnés que ceux des nouveaux nés. Ils sont parfois ourlés d'un pigment plus brun (comme sur mon autre masque punu) qui renforce encore l'énigme qui s'en dégage. 
La coiffe haute et sophistiquée retombe en tresses égales sur les côtés. La pommette est altière ; la course des sourcils fine et racée.   
L'ovale tendre du visage s'échoue délicatement sur un menton en saillie. La bouche entrou'verte sur des lèvres d'un carmin surnaturel à force d'être trop réel  semble susurrer quelques confidences intimes.
Son front a reçu un baiser de fer qui a gravé à jamais dans sa chair un losange de 9 scarifications.

 Nous sommes en présence d'un esprit féminin. Sourit-il ?  

]Inspirations DECOcadentes] _ Rose Van de Velde

Parmi les créatrices que j'affectionne, il y a bien sûr Roos Van de Velde.












J'hésite encore entre artisanat ou art pour qualifier son travail. Elle manie à la perfection la technique de la céramique qu'elle associe à divers moyens d'expression pour donner à toutes ses créations utiles ou futiles ce supplément d'âme délicat, tremblant, éphémère, proche de la rupture ...

























Chez Ross Van de Velde, tout est vibrations ! Les siennes sont végétales et empruntent aux fleurs, aux feuilles et au vent …

La poésie existe.




















source photos : site Ross Van de Velde 

mardi 2 mars 2010

]Roadmovie] _ Reims 2

// Dimanche 28 février 2010, Brasserie Le Progrès / Epernay.


Radeau dans la tempête qui sévit au dehors. Nous y prenons un « café-croissant » sans croissant mais avec tartine beurrée – confiturée. Des habitués à nouveau s’y retrouvent. Nous sommes en province. Les bars sont toujours ces lieux d’échange et de communication alors qu’à Paris, ils ressemblent davantage, pour moi en tout cas, à des phares pour vieilles vies solitaires en naufrage ou à des points de ralliement dédaigneux pour pré-soirées estudiantines.

Moment agréable avant de partir à l’assaut de la capitale régionale, Reims, dont la Cathédrale fut le siège du couronnement des rois. Rues vides, bourrasques glaciales, pluie lourde. La Cathédrale s’offre comme un refuge au voyageur meurtri par les intempéries. Il est bon de s’y sentir à l’abri, contre la lourde et rassurante présence des piliers séculaires. Passé et présent proche s’y télescopent dans les vitraux de Chagall. Emotion artistique. Je n’aurais pas pensé pouvoir apprécier l’art du vitrail… la faute à l’âge ou plutôt aux cours du Louvre que je suis cette année, assidûment et parfois avidement. L’art du maitre verrier rémois a repris les techniques ancestrales pour laisser exprimer le génie de Chagall. Ni vitrail, ni peinture, même si l’œuvre emprunte aux deux disciplines. Chagall avait été élevé dans un esprit religieux très fort ; ce qui s’est manifesté dans ses nombreuses œuvres.

Voici un aperçu de la modernité de ces vitraux. Les couleurs sont surnaturelles, ce qui se prête à la nature des lieux.

]Roadmovie] _ Reims

Petite escapade en Champagne – Ardennes le week-end dernier. Prétexte à des émotions culinaires et artistiques.

// Samedi 27 février 2010

Escale au Château d’Etoges, charmante demeure entourée d’un lac avec ses cygnes, d’un jardin avec son potager, son verger, ses taupes et son jardin d’enfants ! L’endroit est reposant, le restaurant mérite le détour. Premier endroit que je fréquente où l’on vous propose en plus des formules traditionnelles, des formules renforcées pour appétit vorace, du style double entrée-plat-fromage-dessert ou encore entrée-plat-fromage-double dessert ! J’avoue que les estomacs « parisiens » d’adoption ou de naissance passés à ce régime local ont des chances d’être surmenés !

Forêt des Faux de Verzy ! Escale zappée sur laquelle nous ne pourrons pas revenir en raison de l’alerte orange de Météo France sur cette partie de France. Regrets de ne pas avoir pu voir cette curiosité locale due, parait-il, au sol de cette région. Arbres aux troncs et aux branches sinueux qui évoquent des formes inquiétantes, surtout à la tombée de la nuit, par temps de brumes !

Epernay, point final de cette première journée. L’Avenue du Champagne qui candidate au Patrimoine Universel de l’Unesco est amusante, à défaut d’être vraiment intéressante par un samedi après-midi menaçant où toutes les maisons de champagne sont fermées. Petite curiosité à qui aime bien le design. Le mobilier urbain est un peu recherché : les lampadaires bio-morphes figurent des tiges, des feuilles et leur bourgeon lumineux.

Chez Max, nouvelle expérience culinaire. Il fait bon s’y réchauffer par un samedi soir. Le restaurant est rempli par des habitués qui ne cachent pas leur plaisir d’avoir rendu visite au patron. L’ambiance est amicale, le décor traditionnel, la rencontre avec un fondant au chocolat est, par contre, plutôt inattendue. Recette inédite pour ce fondant à la pâte poudrée où le cacao semble avoir été laissé quasiment à l’état brut, même si son goût est subtilement adouci par le tour de main maison et la présence des poires.

Noir.

 source photo (Faux de Verzy) : media.paperblog.fr