mercredi 29 décembre 2010

[DecoD[ _ Putman vs Invaders // Exposition Hôtel de Ville de Paris // 29 décembre 2010

Détournement du damier emblématique noir et blanc en carreaux de grés de Madame Putman pour une rencontre du troisième type façon Space Invadors !

Cette salle de bain est vivante ! Elle semble nous questionner de son regard étrange au strabisme inquiétant, avec ses grands yeux miroirs qui tiennent autant de la mouche que de E.T.. Attention, de l'insecte, elle a gardé une trompe allongée, protubérance comique en forme de baignoire. Nous tire-t-elle la langue pour mieux se moquer, ou pour mieux nous goûter ? Je ne saurais dire...

Donc, oui, j'ai profité de cette fin d'année pour aller voir la rétrospective organisée par la ville de Paris, sous la houlette d'Olivia Putman sur le travail d'Andrée, sa mère. Du même prénom que mon aieul (mais décliné au masculin), elle en a aussi le même âge, à savoir la bagatelle de 85 printemps !

Cette aventurière du design à la longévité exceptionnelle a débuté tôt mais n'a lancé son propre studio que sur le très tard. Entre temps, elle a oeuvré à bien des nobles causes : démocratiser le design chez Prisunic, lancer de jeunes créateurs (notamment du monde de la mode) en créant la société Créateurs & Industriels, redonner vie au mobilier du passé  - celui des années 20, sa période de prédilection - dans son agence Ecart qui laissera des "traces" en rééditant des designers désormais en vogue mais alors oubliés comme Robert Mallet-Stevens, Eileen Gray, Mariano Fortuny.

Destinée à la musique par une mère pianiste, elle se défait de l'emprise de l'oreille pour tomber dans les délices de l'oeil, apprend-on dès les premiers pas de l'exposition. C'est peut-être cet amour là qui lui fera rencontrer et épouser le collectionneur, éditeur et critique d’art Jacques Putman. C'est ainsi : elle cotoiera toute sa vie les artistes contemporains les plus en vue avec qui elle se liera d'amitié (Pierre Alechinsky, Bram Van Velde, Klein, Giacometti, ...).

Les années forgeront son goût, celui particulier du vide et du rien : mieux enlever, user avec justesse de l'épure et de la sobriété, simplifier à l'extrême les lieux et les formes pour laisser affleurer l'essence des lieux, le squelette des choses ... Régner sur le rien est d'ailleurs, pour la paraphraser, pas si mal. ! Un rien, oui mais "à la française", à savoir épuré sans être restrictif ! Aller à l'essence sera également une manière de créer des ponts temporels entre les objets.  Passé, présent, futur, qu'importe ! si le mobilier d"hier porte la modernité du présent en étant  fonctionnellement adapté à ses besoins et laisse entrevoir la façon d'évoluer dans le futur.

Ironie du sort : les Etats Unis, la croyant célèbre à Paris, lui offriront cette notoriété et légitimité qu'elle n'avait pas encore en Europe. Comment ? En voulant rénover "à moindre coût" les salles de bain de l'hotel Morgans à New-York, elle proposera de les habiller d'un damier noir et blanc de carreaux de grès cérame : cette proposition forte, en résonnance avec son temps, remporta un succès immédiat et devint son emblème. Elle avait 60 ans !  
A bon entendeur !

Exposition à l'Hotel de Ville de Paris, 5 rue de Lobau, 75004 Paris
Entrée gratuite tous les jours sauf dimanches et jours fériés, de 10h à 19h
Jusqu'au 26 février 2011

jeudi 2 décembre 2010

DecoD _ Design+Artisanat nippon // Exposition "Japan Brand" // Bon Marché


Voici quelques clichés de l'exposition temporaire organisée sur le design artisanal japonais au Bon Marché du 18 Novembre au 31 Décembre 2010.

Rencontre, dans ce temple du bon goût à la française, avec le raffinement japonais à travers la présentation des savoir-faire artisanaux savamment réinterprétés de manière contemporaine.

Divers corps de métiers sont représentés. 
Les ateliers de cuivre martelé du nord de Tokyo (atelier Gyokusen-dô, dans le département de Niigata) donnent naissance aux classiques services à thé ou à saké selon des techniques de façonnage et de martelage transmises entre artisans depuis la période Edo. Détail insolite : le jus de radis est utilisé pour fixer les couleurs !


L'atelier de coutellerie de Toyama Hamono à Sanjô (Niigata) se consacre à la création de ciseaux de jardinage dont chacun a sa spécificité comme la taille des bonsaïs ou la coupe des tiges de fleurs ! Usage pointu pour des ces ciseaux sont eux-mêmes de véritables sculptures !

Il y a encore ces lampes poétiques en shibori, issues d'ateliers de Kyoto, notamment celui de Katayama Bunzaburo Shoten, obtenu à partir d'une technique artisanale permettant de créer des tissus en relief aux motifs aléatoires.


Bien d'autres objets sont présentés au Bon Marché qui met à l'honneur également la beauté fonctionnelle  de la poterie de Koishiwara ou encore l'art du washi, papier fabriqué manuellement à partir de fibres de mûriers entrelacés.
La vision de ces objets poétiques est un avant-goût fort approprié pour rentrer dans l'esprit des fêtes !

lundi 15 novembre 2010

]Zikmu] _ Soirée Dum Dum Boys au Bus Palladium_ 12 novembre 2010

20h30, «Rue Fontaine, c’est au Bus Palladium que ça s’écoute! ...» dixit Gainsbourg. Je rejoins ma copine dans cet endroit mythique que je ne connais pas encore pour une soirée rock&roll entre amis. Le spectacle a déjà commencé dans la rue où je me suis fait aborder par un séducteur des trottoirs à la voix de braise surchauffée !

Le ton est donné dès l’entrée : ambiance subtilement décalée hésitant entre les fifties et les seventies d’une Amérique aux accents latins, décoration hybride, follement douce ou doucement folle où une baignoire trône, l’air détaché, dans les toilettes pour Dames. Passé le seuil du restaurant, ce subtil télescopage des cultures et des genres officie avec succès sur les murs - où les tapisseries mêlent sans complexe leurs motifs dépareillés, mais également sur les tables, chaises et objets qui habillent ce lieu d’un charme fou ! Lumières tamisées, musique originale, l’ombre de Gainsbourg, réconfortante, veille sur le Bus. On est bien, un peu comme à la maison, dans cet antre où les bourgeois du quartier, un tout petit peu bohêmes, viennent s’encanailler ! Cuisine impeccable, dépaysante à souhait, voyageant des terres d’Argentine aux torrents scandinaves avec un accent américain !

Un copain niçois nous rejoint. La soirée se poursuit en salle pour un concert de The Hub que nous sommes venus écouter et un concert des Dum Dum Boys que nous sommes venus supporter. Salle rugueuse, aussi peu apprêtée que le restaurant est sophistiqué. Mélange des styles chez les spectateurs; au Bus Palladium, venez comme vous êtes. Entre les lycéennes émoustillées qui débutent leur apprentissage de la vie nocturne et se trémoussent, aux pieds des baffles, à la recherche d’un peu d’attention des chanteurs, entre les vieux loulous lookés façon Mick Jagger / Iggy Pop avec le costume du parfait rocker « jeans noirs – santiags - lunettes noires vissées sur le nez – cheveux en pétards », vous trouverez votre place, comme nous avons trouvé la nôtre. Malgré les vapeurs d’alcool et l’ambiance de salle de concert, l’attention particulière du public pour la musique est palpable ! Le Bus Palladium, c’est presque de la recherche fondamentale en rock ! Le concert fut libérateur et l’expérience dépoussiérante - à quelques détails près ! Passé vingt ans, mieux vaut mettre ses bouchons d'oreilles et ne pas essayer le mélange vodka-pomme !

dimanche 3 octobre 2010

]Art & Hasard] _ Japon, influences et art de vivre // Marchés Serpette et Paul Bert // 2 octobre -29 Novembre 2010


Invitée à la soirée d’ouverture de l’exposition thématique « Japon, influences et art de vivre » qui s'est déroulée aux marchés Paul Bert et Serpette, vendredi 1er octobre 2010, j’ai eu l'occasion de découvrir les Puces, y musarder, m’y perdre, bref, faire plus ample connaissance lors d’une soirée unique à la lueur des étoiles !

Je les ai redécouvertes, ces Puces, frissonnantes, enveloppées dans un manteau de pluie qui les faisait doucement étinceler à la lumière des réverbères mais tellement magnifiques, apprêtées du rouge passion de la fête !

Je les ai retrouvées, proches, avec cet esprit très village et sans façon qui les habite, elles qui sont le plus grand marché de brocantes et d’antiquités du monde.

Je les ai vues, métisses, ouvertes sur un Japon lointain et proche à la fois, montrant les interdépendances et affinités existant depuis le XIXème siècle entre ces deux terres d’esthétisme, de savoir-faire et de savoir-vivre que sont la France et le Japon. Céramiques, mobiliers, estampes mais aussi art culinaire, ikebana, calligraphie ; chaque détour d’allée était prétexte à rencontres pour les amateurs curieux de découvertes japonaises.

Je me suis perdue, à force de détours et de tours, dans ce dédale énigmatique, repassant aux mêmes endroits, y dénichant à chaque fois un objet, une voix, une saveur nouvelle.

Cette nuit là, un peu de folie aussi s’était répandue à travers les allées. J’y ai rencontré des personnages attachants et bizarres, terriblement humains. Il y eut ce musicien de jazz japonais au long pardessus gris informe, « Stetson » vissé sur une tête amène et couvrant des cheveux improbables, qui vous invitait volontiers à boire le saké comme du lait. Il y eut encore cet ancien ingénieur du son (je crois) tout nouvellement installé, spécialisé dans le mobilier vintage et qui collectionnait les chaises, comme des tableaux, sur les murs de son appartement ; sa passion pour le design, devenue trop encombrante, l’avait poussé à se reconvertir pour une nouvelle vie de brocanteur.

Il y eut encore mille rencontres rafraichissantes, émouvantes, intéressantes -Yoko nous accueillant en costume traditionnel, cette brocanteuse d'objets vintage japonais inaugurant sa boutique ce soir là ; la moins surprenante fut finalement la sélection trop conventionnelle de mobiliers design par Pierre Cardin.
source Photos : site Marché Paul Bert & Serpette

lundi 27 septembre 2010

]Art & Hasard] _ Political Mother // Hofesh Schechter // 21-25 Septembre 2010

Paris / 21 Septembre 2010 / 20h15 / Théâtre de la Ville.


La brume vient vous chercher dès l’entrée du Théâtre de la Ville. Votre voisin vous parait soudain très loin, vous-même êtes, tout à coup, loin de tout : loin de l’agitation du métro que vous venez de prendre, loin de l’agitation de votre journée de travail, loin malgré cette salle comble ... Cette ouate aérienne vous enveloppe dans un cocon d’isolement. Vous êtes préparé.

Noir. La scène s’illumine faiblement et dans cette pénombre envoutante la silhouette incertaine d’un chevalier se fait harakiri. Pourquoi ? Pas de répit pour trouver la réponse. Les tableaux dansés s’entrechoquent au rythme effréné de la musique déchainée.

Tour à tour, un dictateur hurle ses infamies inintelligibles, une rock star vous électrise sous cette même violente litanie … tout cela aux sons d’une complainte de basses et de percussions, éructée, agressive et tribale. Tour à tour, vous êtes cet être ployant sous le joug d’une histoire oppressante, réfugié de camps de concentration, chevalier perdu dans les brumes du temps, bagnard d’une prison protéiforme, celle de notre terre. Tour à tour, des bras d’êtres naufragés se tendent suppliants et désespérés vers le ciel ; des corps esquissent des mouvements de réconfort, se glissant à l’unisson dans un rituel protecteur, entre la danse traditionnelle et la transe chamanique ; des duos d’amoureux semblent parfois se libérer.

Quand la musique se fait plus douce, insouciante jusqu’au comique (presque), les corps allégés du fardeau sonore s’expriment avec inventivité et vigueur, tendresse et fermeté. La mise en volume par le jeu des lumières crée une ambiance chaude et lourde de fin du monde. Les costumes des danseurs rappellent la pesanteur de l’oppression ; leurs couleurs rappellent l’Orient. On retrouve dans ces moments là les instants de magie qui avaient fait sensation la saison dernière dans le spectacle « Up Rising / In your Room ».

Dommage alors que la musique, véritable colonne vertébrale du spectacle - à laquelle chaque geste doit d’être et de disparaître - s’invite avec si peu de retenue. Cette virile présence musicale qui l’an dernier donnait tout son caractère au spectacle assomme ici les danseurs. Dommage que la référence au Dictateur soit si littérale et affaiblit la portée de ce propos d’envergure, « Political Mother », en le rendant caricatural. Dommage que le spectacle donne l’impression d’une écriture foisonnante, débordante et finalement trop adolescente !

Dommage ! Et pourtant, quelle joie je me faisais à l’idée d’une nouvelle rencontre avec ce chorégraphe qui m’avait transportée en 2009 !

Dommage !

Photo : site internet Théâtre de la Ville

mercredi 1 septembre 2010

Willy Ronis : Une poétique de l'engagement // Monnaie de Paris // 16 avril-22 août10


F-2 : Fin de l'exposition de l'exposition de Willy Ronis dans 2 heures.


J'arrive sous le porche de l'entrée de la Monnaie de Paris. Les retardataires motivés se pressent sur les dalles. lls sont venus en nombre comme moi tenter leur chance pour apercevoir les clichés du photographe avant qu'il ne soit trop tard. La queue ressemble à un serpent de mer, un très long serpent, qui s'enroule engourdi sous les arches de la cour intérieure ; lové à l'abri du soleil qui tape encore énergiquement en cette après-midi finissante.

Armée d'un bouquin et de patience, je prends place dans la file d'attente. Trente minutes après, j'entre.

Ce qui m'a marqué dans cette exposition …

Tout d’abord, le contraste entre le titre de l'exposition "Poétique de l'engagement" et l'attitude du "laisser venir" qui semble être la technique photographique de Willy Ronis. Le titre ne me semblait pas limpide. Et puis, en passant de salle en salle, en voyant ces clichés de la rue et de ses scènes quotidiennes, du monde ouvrier et de ses luttes, des instantanés pris lors de ses voyages, on comprend peu à peu cet engagement. Willy Ronis est associé à la photographie humaniste (représentée par le groupe des XV dont faisait aussi partie Robert Doisneau) qui, au sortir de la guerre, voulait redonner foi en l’être humain. Ces photographes utilisent un langage photographique basé sur l’anecdote, l’attention portée aux détails, la représentation de situations incongrues, drôles ou tendres, pour susciter l’émotion, insuffler de la poésie en toute chose. C’est en donnant à voir et à réfléchir, en témoignant de la réalité avec honnêteté et respect qu’ils espèrent la changer. D’où cette poétique de l’engagement. A côté de cela, il y la manière que Willy Ronis utilise pour y parvenir ; un « lâcher prise » et un « laisser venir » qu’il semble nécessaire de convoquer pour se mettre à disposition de l’instant, pour être à même de le recevoir et de le retenir. On sent d’ailleurs au long de l’exposition cette attente qui exige, à la fois, un certain niveau de désengagement mais aussi une attention active pour ne pas « passer à côté ». L’attente est partout, de la prise de vue au développement de la photographie.

Autre découverte pour moi, la sûreté des cadrages qui est éblouissante, à tout le moins pour moi dont l'aptitude à organiser l'image n'est pas vraiment intuitive.

Il y a encore le traitement des thèmes abordés, traitement qui rend compte sans rendre des comptes, se positionne avec justesse au niveau du sujet, à sa « hauteur symbolique » sans rester extérieur mais sans être intrusif. L’alchimie est subtile mais fonctionne souvent.

Il y a enfin cette voix qui, au fil des clichés, fourmille d’anecdotes, commente le contexte, renseigne sur l’intention, éclaire sur le résultat souhaité et tout simplement donne chair et volume à ses images planes et muettes. Willy Ronis se défiait de l’image brute et de l’interprétation si facilement erronée que l’on pouvait en faire.

Tant mieux car l’écouter à travers ses photos a été une expérience inattendue.

mardi 31 août 2010

]Art & Hasard] _ Keping / Zadkine : Chair des forêts contre Forêt humaine



Rentrer dans la quatrième dimension à Paris, c'est possible. Et c'est même ce qu'il m'est arrivé en ce dernier dimanche du mois d'août 2010 vers 17h au 100 bis rue d'Assas, dernier lieu de résidence et atelier du sculpteur d'origine russe Ossip Zadkine.

Le Musée Zadkine est un endroit confidentiel, niché derrière les dépendances de l'Université René Descartes qui le surplombe. En pénétrant par la grille du monde, vous ôtez, sans y prendre garde, vos vêtements superflus pour vous mettre à disposition de l’étrange. Un pas et votre manteau de certitudes tombe, inutile : êtes-vous toujours à Paris ? ou bien transporté à votre insu dans quelque jardinet de province? Un autre pas. A quoi bon cette veste, pour se protéger de quoi d’ailleurs ? L’air est ici doux et tranquille … terriblement. Il est cinq heures mais le jour qui s’étire tire déjà sur sa fin … mortellement. N’est-il pas un peu tôt ? Un banc. Ne vous y asseyiez pas. Vous pourriez y rester, pris à l’écart du temps, indéfiniment, accroché à une époque heureuse et révolue … oui mais laquelle … Un dernier pas, vous atteignez enfin le seuil du musée Zadkine ; un siècle s’est écoulé.

Vous entrez, engourdi. Mais les habitués des lieux vous accueillent, réjouis ; vous étiez attendu. Il y a, bien sûr, la caissière à la logique insaississable, un brin farfelue, trop professionnelle, qui vous perd, à force de conjectures, dans les éventualités que vous avez – ou pas – de pouvoir visiter l’exposition (« la Chair des forêts » de Wang Keping pour laquelle vous étiez venu) en moins d’une heure et ce, tout en parcourant l’œuvre de Zadkine. Intrépide, vous vous lancez, conscient de votre impudence ou de votre imprudence. Il y a aussi le gardien de ces lieux / spécialité jardin dont la bonhommie s'écoule par toutes les générosités de son corps. Qu'on se le dise, vous faites partie de sa gourmandise ; il vous renseignera goulûment. Il y a également le gardien de salle, lecteur taciturne et absorbé, assis dans la galerie des bois sculptés, comme à  la clairière d'une forêt sans feuille. Et il y a encore d'autres personnages dont vous sentez confusément qu'ils s'inscrivent dans l'ordre bien codifié du fonctionnement de la vie du musée.

 Le musée se révèle finalement à taille humaine. Cinq salles plus l’atelier réservé aux expositions d'artistes contemporains, et où s’entremêlent les œuvres des deux sculpteurs. Elles se répondent, en écho les unes des autres.


Zadkine, arrivé de Russie vers 20 ans, après un séjour en Angleterre où il s’initie à la sculpture, s'installe en France, étudie un temps aux Beaux Arts de Paris avant de suivre son propre chemin, côtoyant les artistes à la Ruche à Montparnasse, Picasso, Matisse, Modigliani ... L'inspiration primitive de ses débuts fait  place à l’influence du cubisme, puis à l'attrait de la statuaire classique et de la mythologie, revisitées toutes deux sous l'angle moderne. Et c'est ensuite au thème de la Forêt Humaine, des troncs-hommes que le scuplteur s'attaque. C’est d’ailleurs cette recherche commune qui rapproche Ossip Zadkine de Wang Keping.



Zadkine est un sculpteur sur bois économe qui, par une taille minimaliste, préserve et libère la nature primale de sa  matière première. Le lien généalogique qui relie le bois sculpté à sa forêt matrice n'est pas coupé par l'artiste. Le tronc humain de Zadkine se souvient d'où il vient : Zadkine l'a écouté parler avec pudeur, comme on écoute les confidences d'un ami intime puis l'a taillé, respectant sa chair séculaire, ne touchant qu'à l'essentiel pour révéler la forme originelle assoupie dans ses anfractuosités. "Le scultpeur est condamné dans ses gestes à parcourir et à suivre, comme l'arbre, la mémoire de la forêt". Cette pensée de l'artiste italien Penone fait écho au travail de Zadkine et à celui de Wang Keping aussi.



Wang Keping est également adepte d'une taille minimale ; son travail est le fruit d'un dialogue constant avec l'essence à travers la matière réceptacle de l'univers. Retirant la peau des arbres, il libère les présences qui s'y trouvaient cachées. Mais la forme révélée de Keping est faussement simpliste. La recherche de la forme juste dans l'épure lui vient sans doute de la philosophie chinoise. Il en résulte des formes d'un raffinement extrême, aboutissement de l'esprit dans la chair mise à nue.     

jeudi 26 août 2010

[DecoD[ _ Bibliothèque poétique de Giuseppe Vigano


Cet article est à communiquer à tous ceux qui sont préoccupés par des problématiques trop terre à terre d'optimisation de l'espace. Ils ne resterons pas longtemps insensibles à cette création du designer Giuseppe Vigano pour la marque italienne Saba qui fait fi d'un trop grand réalisme. La bibliothèque "Primo Quarto"propose une manière poétique de trouver un livre dans son salon ! Et en plus, les dimensions sont telles que vous n'avez pas besoin de disposer d'un salon de taille cathédrale pour vous faire plaisir. Deux hauteurs sont disponibles, 1,20 mètres ou 2,20 mètres !

Alors qui a dit que mettre un peu de piment dans son salon était impossible !

Source photo et site internet : Giuseppe Vigano

lundi 26 juillet 2010

]Claque du jour] _ Voyage dans ma tête // La Maison rouge


L’exposition d’Antoine de Galbert « Voyage dans ma tête » réunit les ingrédients d’une exposition réussie à qui aime l’art primitif, l’artisanat et la quête de sens. Un couvre-chef, direz-vous, et bien, cela sert tout bonnement à couvrir le chef. Oui, quoiqu’on s’aperçoive finalement que cet usage terre à terre est presque marginal et surtout, n’est pas le plus intéressant ! On ne peut qu’admirer cette collection de quelques 400 coiffes, rassemblées à un temps très court (une petite quinzaine d’années) par un homme qui, par cette exposition, semble montrer une humilité et un sens de partage tout à son honneur !


Cet objet usuel, social ou rituel est planétaire. Il synthétise la formidable inventivité de l’être humain quand il s’agit de se protéger (de la pluie par exemple, comme cette belle coiffe japonaise, de fibres végétales noires pareilles à de longs cheveux), de représenter, honorer et témoigner de la grandeur du statut ou du rang social de son porteur (comme les coiffes royales kuba ou encore yoruba richement ornées de cauris et finement tissées de perles de verre).
La coiffe peut jouer le rôle de marqueur d’une étape, initiation, mariage, naissance ou décès. Ce rôle peut être parfois extrêmement spécifique comme par exemple cette coiffe-bandeau qui est portée au premier enfant.
Elle s’envisage également comme appendice comblant les lacunes physiques de l’homme qui en essayant de ressembler artificiellement à l’animal, espère s’approprier du pouvoir de la bête... Fort utile au guerrier ou au chasseur !
La coiffe peut se faire bijou, apparat, attribut ultime de la séduction voilant ou dévoilant la beauté féminine ou encore, être un objet-monnaie montrant la richesse de son possesseur à moins qu'elle ne soit elle-même monneyable ? Mais les coiffes permettent aussi de communiquer avec le monde de l’invisible, véritable trait d’union entre le ciel et la terre telles les coiffes des chamans amérindiens qui privilégient les plumes d’oiseaux comme passeurs vers l’au-delà, ou encore celles des prêtres et des sorciers africains ou océaniens qui peuvent se parer de crânes, fourrures animales, accroissant la charge magique de la coiffe.

Usages multiples, matériaux illimités. Ici, l’usage du cheveu confine à la perfection comme par exemple en Chine où des coiffes en « dentelle de cheveux » sont d’une finesse époustouflante et troublante. Là, ce sont encore broderies orientales de fils d’or ou d’argent, ou bien fines lamelles de métal repoussé qui mettent en scène de véritables décors floraux et animaliers (en Chine ou Indonésie par exemple). Là encore, en Papouasie-Nouvelle Guinée (je crois), l’inventivité dans le choix des matériaux surprend avec l’usage des têtes ou des ailes d’une infinité de scarabées. Mais on peut citer encore … peaux de lions, d’ours, de singes, dents de chiens ou de marsouins, carapaces de tortues et de pangolins, épines de porc-épic, plumes d’ara, becs de toucans, de calaos, crânes de singes …

A noter encore, cette fin (d’exposition) en points de suspension qui rappelle l’humilité du collectionneur. Car toute collection, quelque soit la qualité de sa quantité, se caractérise - comme le rappellent Antoine de Galbert et Stéphane Martin, président du Musée du Quai Branly - par ses manques ; ces fameuses pièces inaccessibles que le collectionneur traquera en vain.

Cette exposition de la Maison Rouge nous convie à un voyage dans l’inventivité, la folie, la sagesse, la virtuosité et la beauté de l’humanité.

Pas vers l’imaginaire où l’on peut, où l’on se doit de guider les enfants sans attendre.

Exposition du 12 juin au 26 septembre 2010

source photos et info : site la maison rouge

mardi 6 juillet 2010

[DecoD[ _ Pepe Heycoop // Sputnik Family

Dans la série des lampes qui pourraient "habiter" nos demeures de leurs formes étranges et attachantes , il y a cette création du jeune designer hollandais, Pepe Heycoop, diplômé de la Design Academy d' Eindhoven.


Insecte lumineux de la famille des lucioles  - les ailes en moins, les pattes en plus - Sputnik est une lampe à l'armature de métal recouverte de papier mâché qui diffuse une lumière enveloppante et douce comme un clair de lune !  

On se prend à vouloir littéralement "peupler" nos maisons de ces lampes insolites, identiques et pourtant toutes uniques, qui s'apparentent plus à de doux compagnons domestiques qu'à des objets de décoration.

Ames de lumière ...


source photos & infos : site Pepe Heycoop

jeudi 1 juillet 2010

[DecoD[ _ Plastic is wonderful !

Dans la veine du design écolo, voici deux initiatives récentes particulièrement intéressantes alliant des grands consommateurs de plastique et de grands noms du design ! L'objectif des deux projets : montrer ce que l'on peut faire de beau avec nos chères bouteilles de plastique !

 Il y a tout d'abord le projet alliant Coca-Cola et Emeco, fabriquant de la célèbre "Navy Chair" utilisée par la marine américaine. D'ordinaire en métal aluminium (lui aussi recyclé), la version appelée "111 Navy Chair" nécessite, comme son nom l'indique 111 bouteilles de Coca Cola pour sa fabrication. Né d'un partenariat de recherche entre le savoir-faire d'Emeco et de BASF, ce projet part d'un chiffre décevant : le pourcentage de recyclage de bouteilles atteind à peine 20% aux Etats Unis alors qu'il est de 80% ailleurs ! Fort de ce constat, Coca Cola a souhaité démontrer au public américain - mais pas seulement - que l'on peut recycler le plastique (PET) pour en faire des objets beaux, utiles au quotidien et résistants ! Cette chaise a été présentée en avril dernier au Salon de Milan et devraît être disponible très bientôt dans des coloris printaniers inspirés par la Terre !


Autre bouteille, autre couleur, même idée...
Le design de cette chaine est un peu moins "vu " que le précédent exemple, puisque c'est une création spéciale de Marcel Wanders pour Magis. Allure pataude qui la rend plutôt sympatique, couleur verte reconnaissable entre mille, cette chaine ne renie pas sa filiation évidente avec sa bouteille-mère génitrice, la fameuse San Pellegrino. Elle en a, en plus, gardé la légèreté (moins de 1 kg) et le frizzante avec un nom évocateur "Sparkling Chair". Cette chaise en kit comporte elle aussi une innovation majeure, celle d'utiliser la pression contenue à l'intérieur comme composante de sa robustesse ! En bref, une belle idée pour un usage plutôt casual de cette chaise qui ne sied pas forcément à tous les intérieurs !

source article & photo : Emeco 
source photo : Marcel Wanders

mardi 29 juin 2010

[DecoD[ _ Pixelmania épisode 2

Pixelmania le retour !

Alors, initialement mon post devait être consacré à l'initiative d'un collectif de designers (fraichement sortis de l'Ecole de Design de l'Université Polytechnique de HK et spécialisés dans le packaging et l'écodesign) et qui a imaginé ces lampes magiques nommées Living Pixel.



Le projet a comme point de départ la récupération de vieux stores du centre de Hong Kong (fournis par ECOLS, un concept store éco). Les stores ont été pour l'occasion laissés dans leur jus, puis découpés en petits carrés et triés par couleur. Toute la beauté du projet réside dans la mise en forme et en couleur de ces abats-jours uniques.Ils ont pris vie grâce à l'imagination créative des trois designers et grâce au travail de couture minutieux et patient de l'association de travailleuses de Hong Kong (Hong Kong Women Workers Association).



Eteint, le lampadaire n'aurait rien de spécial (à part la forme surprenante) puisque la bâche des stores n'est colorée que d'un seul côté. Allumé, la magie opère et l'on découvre avec surprise l'alchimie entre la lumière diffusée avec douceur et les couleurs tout aussi féériques.

A contempler toutes lumières éteintes !



source photos : SD Works / Fubiz

lundi 28 juin 2010

]DecoD] _ Pixelmania épisode 1

C'est la manie du moment, la pixelmania !

Les pixels sont partout, nouveaux envahisseurs d'un monde de plus en plus digitalisé. Et on ne compte plus les projets qui utilisent ces petits carrés venus du monde informatique comme source d'inspiration ou nouveau matériau permettant de donenr corps aux idées les plus folles et les plus réjouissantes !

Il y a par exemple cet artiste américain Shawn Smith qui utilise des pixels (de bois ?) pour donner vie à des compositions variées d'animaux (trophées d'oiseaux, d'animaux à cornes) ou de représentations plus abstraites (comme le feu).


ou encore l'exemple de la publicité qui intègre le pixel dans les pubs ou la vidéo très réussie de l'invasion de New York de Patrick Jean (posts parus dans le publigeekaire).

Pour clore ma longue parenthèse disgressive, je citerai la géniale application de retrogaming Pix'n Love Rush disponible sur l'Applestore,et utilisant le pixel à la façon des anciennes consoles de jeux vidéo ; le studio fou et frenchy Pastagames en association avec l'éditeur Pix'n Love vont ravir tous les "nostaligeeks" !


Et dans tout cela, me direz-vous, pour ai-je intitulé ce post ]DecoD]- Pixelmania !, tout simplement parce que le monde du design n'est pas insensible aux pixels et rajoute même une petite touche de magie et de lunière à nos chers petits carrés !

Allez, pour la peine, je vais faire un deuxième post dédié ...

vendredi 25 juin 2010

]DecoD] _ Green Grove

Décidément je suis très tournée écolo, ces temps-ci !

J'ai eu un vrai coup de coeur pour l'initiative de la petite société américaine Grove qui propose des coques pour téléphone i-phone en bambou ; initiative d'un collectif de tout juste 5 personnes qui "font tout elles-mêmes". J'aime à imaginer des sortes de Géo TrouveTout à la fibre artistique, prônant des produits personnalisés, éthiques & so arty pour la vie de tous les jours !

C'est la nouvelle équation du commerce actuel alliant développement durable version 2010 -et pas Woodstock- avec des matières bonnes pour la planète (comme le bambou), un état d'esprit très vert (avec des emballages responsables) ; tout en utilisant les moyens "modernes" à la pointe de la technologie (les coques sont gravées au laser) ; le tout produit localement avec des finitions "très couture" et un label "fait main", tout en s'adressant à un marché international composé d'individus aux goûts très personnels ! Et bien sûr, sans oublier, un soupçon de communauté puisque les contributeurs artistes sont les bienvenus pour proposer de nouveaux designs !

Equation réussie !


Pour plus d'informations : Grove

Source : site internet fubiz

mardi 15 juin 2010

]Humeur] _ Robot Coca-Cola écolo !

Juste pour l'anecdote, parce que, justement au delà de l'anecdote, ça peut faire sens !

A l'heure où le championnat international de football a débuté, où l'Afrique du Sud est sous les projecteurs, où les articles fleurissent sur le bilan mitigé des années Mandela, où des voix internes aux pays s'élèvent pour rendre compte de l'état pas si reluisant de la nation arc-en-ciel, avec ses grands espoirs déçus et ses petites mesquineries et ses violences quotidiennes, certaines initiatives artistiques paraissent presque dérisoires même si elles n'en sont pas moins dignes d'intérêt.

Ainsi ce grand robot rouge est l'oeuvre de l'agence Animal Farm en collaboration avec l'agence Art at Work Art Management et a été monté à partir de quelques 2500 caisses en plastique Coca-cola dans la région de Johannesburg! Coup de pub magistral de Coca-Cola ou bien oeuvre "povera" à portée écologique grâce à ce nouveau concept salutaire de recyclage artistique ! Il paraitrait que les 25 tonnes de caisses rouges seront ensuite réutilisées ou recyclées !

En attendant, on se prend à imaginer le géant de plastique avait un ballon rond aux pieds ...

source : site fubiz

lundi 31 mai 2010

]Claque du jour] _ Voyage en République Démocratique du Congo // Chez les Songye

C'est à un fabuleux voyage que nous convie l'étude Castor-Hara à l'Hôtel des Ventes de Drouot, le mardi 8 juin 2010 prochain. Un voyage à travers les arts d'Afrique, d'Océanie et d'Amérique pré-colombienne.

De mon côté, c'est en République Démocratique du Congo que je me suis laissée transporter avec ces magnifiques masques et statuettes Songyé.

Tout d'abord ce magnifique masque kifwébé aux formes exceptionnelles, qui semble figurer quelque être étrange aux sens particulièrement développés, comme le suggère le commentaire du catalogue de vente : 

"... il présente un visage aux formes cubistes et figuratives disproportionnées s'imbriquant les unes dans les autres avec équilibre. Les formes sont projetées vers l'avant, elles symbolisent la vue, l'odorat et le goût associés aux épreuves subies par le jeune initié."

Ce masque représentatif de la société secrète Bwadi Bwa Kifwébé était porté par les jeunes initiés et se voulait garantir le maintien de l'ordre social. Ces masques redoutés autant pour leurs fonctions "agressives" que pour leurs hauts pouvoirs magiques étaient, pour la part masculine, ornés d'une crête sagittale aux pouvoirs proportionnels aux dimensions de cette protubérance, tandis que les masques féminins, coiffes plates, comme assagies, avaient un rôle plus doux, celui de de rechercher les informations.

La vision de face est tout aussi étonnante que celle de profil et l'on ne peut que saluer les qualités originales du sculpteur anonyme !











Par ailleurs, les statuettes Songyé présentent un couple de deux gardiens sacrés de la forêt des kifwébé, dans leurs parures de cérémonie. A la lecture du catalogue, nous apprenons que ces statuettes sont gardées (avec l'ensemble des objets cérémoniels) par un "initié aux vertus reconnues", bien à l'écart du village, dans une "case sanctuaire", sorte de gardienne de la tradition, protégée de toute intrusion des vulgaires non-initiés par un charme qui leur interdit l'entrée !  


Et l'on se prend à rêver ... à de merveilleux et nouveaux compagnons pour partager un bout de notre voyage ... bien trop terrestre ...

source : Vente Castor-Hara / 8 juin 2010 / Drouot

vendredi 21 mai 2010

]Danse]_ Mai 2010 danse l'Afrique du Sud : Robyn Orlin & Gregory Maqoma

Cette année, j'avais envie de partir à la découverte de nouveaux mondes, des mondes de mouvements imaginaires, de gestes imaginés par des chorégraphes venus de pays lointains qui nous racontent leurs histoires bien réelles, leur donnant vie à bout de bras, à coup de corps.

Cette année, l'Afrique du Sud est à l'honneur, Coupe du Monde de Football oblige ; de nombreux ressortissants de ce pays sont sous les feux de la rampe, notamment avec le festival de danse de La Halle de la Villette ou encore au Théâtre de la Ville / Théâtre des Abbesses : Robyn Orlin bien sûr mais aussi un danseur chorégraphe qui émerge sur la scène internationale, Gregory Maqoma.

De similitude, ils ont leur provenance géographique et un même enracinement dans la culture sud-africaine. Du temps de l'apartheid, ils ne voyaient sans doute pas le même côté de la barrière, enfermés dans deux mondes étanches aux couleurs opposées. Ils ont tous deux choisi la danse pour exprimer leur vision de la réalité africaine et sud-africaine, tous deux parlent un langage hybride et métissé, en quête d'ouverture et de diversité mais chacun avec un vocabulaire qui lui est propre.

L'une a un mode d'expression à mi chemin entre théâtre, comédie, danse, utilisant aussi par inclusion la vidéo. Foisonnant, surréaliste, frôlant l'absurde, le spectacle présenté à la Villette est une mise en abîme, coulisse d'un spectacle en préparation se jouant tout de même sur scène "pour de vrai" ; le spectacle simule la jeune démocratie qui cherche à naître, à faire vivre ensemble un peuple avec ses différences, qui se cherche avec ses égarements, ses imperfections. Parodie de la danse classique (prônée par l'apartheid), apologie du "vilain petit canard", ce spectacle "cacophonique" hautement subversif, vivant et revigorant, fait fuser le rire pour mieux avaler les pilules d'une réalisé parfois amère et draine les espoirs d'un pays nouveau. Mais c'est aussi un retour aux sources pour la chorégraphe qui s'est fait connaître en France grâce à cette représentation.

Gregory Maqoma préfère poursuivre une discussion entamée dès années auparavant avec des camarades danseurs sur les bancs de l'école d'Anne Teresa De Keersmaeker. Il parle de son Afrique du Sud en empruntant des pas qui ne sont pas les siens et, tour à tour, fait des détours par l'Inde en s'appropriant la chorégraphie traditionnelle kathak d'Akram Khan, poursuit son périple dans une Afrique plus revendicative et engagée de Faustin Linyekula et revient en Afrique du Sud pour essayer de retrouver ses ancêtres et ceux de son compatriote Vincent Mantsoe. Cet enfant des townships converse avec les grands de ce monde pour questionner le pouvoir et les atrocités qu'il engendre, interroge l'humanité,  la mémoire à travers l'importance du "nom", trouve de la beauté en tout cela. Ce spectacle Beautiful me est la fin d'un tryptique, boucle finale après Beautiful qui parlait de la beauté du monde, Beautiful us qui montrait le côté dévastateur de l'homme sur son environnement. Ce spectacle à l'écriture quelque peu hétérogène se veut un dialogue avec des alter ego chorégraphes qui poursuivent un cheminement similaire en puisant et revisitant la tradition pour créer du contemporain. Le spectacle a des accents plus authentiques lorsque Gregory Maqoma adopte un langage corporel plus proche du sien et raconte la réalité des guettos à travers des moments simples comme les compétitions bagarreuses des gamins des rues sur le moonwalk de Michael Jackson. Danseur en devenir, en route vers sa terre par des chemins détournés, Gregory Maqoma est assurément à suivre...
La conclusion inattendue de son spectacle en dit long sur ce régime oppressant que fut l'apertheid, conclusion où le public est invité à l'aider à prononcer le son "r","R" comme cette lettre de son prénom chrétien, imposé à tout enfant noir par le régime de l'apartheid pour être reconnu, et que petit, il ne parvenait même pas à prononcer ...

Spectacle de Robyn Orlin  à la Halle de la Villette du 18 au 21 mai 2010 : "Daddy, I've seen this piece 6 times before and I still don't know why they're hurting each other..."
Spectacle de Gregory Maqoma au Théâtre des Abbesses du 18 au 22 mai 2010 : "Beautiful Me"

mardi 11 mai 2010

]DecoD] _ Variations autour des trophées ...

Rien à ajouter sur la mode des trophées en décoration... Voici, pour s'amuser, un aperçu particulièrement parlant de la diversité des méthodes et matériaux employés :

du plus enfantin ...
Pour décorer une chambre d'enfant, rien de mieux qu'une peluche trophée du site Bianca & Family


ou encore en bambou et soie, comme chez Petit Pan, dans la plus pure tradition chinoise des cerfs-volants,

au plus sophitiqué,

Ces trophées fabriqués par Frédérique Morrel, à partir des tapisseries en point de croix d'antan savamment agencées pour un effet dépoussiéré et hyper trendy,


en passant par le plus minutieux,

avec les trophées de Gundula Weber qui sont saisissants de vérité et ont demandé des heures de travail. La raison ? Ils sont en papier, des milliers de petites franges de papier collées, assemblées les unes au autres pour un résultat époustouflant ! (exposition "Têtes de ... " à la Galerie Antonine Catzeflis qui s'est achevée en septembre dernier).



ou encore le plus sobre

Trophées proposés par Si Studio. Non, contrairement aux apparences, ce n'est pas un designer de nationalité japonaise mais chilienne qui est à l'origine de ces créations minimalistes. Ce serait trop simple à l'heure de la mondialisation !


Et j'en oublie sans doute des tas d'autres exemples, en fils de fer, en papier mâché, ....
La créativité humaine est sans limite !

lundi 10 mai 2010

]Humeurs] _ yogiques : Choisir le moment de la morsure de Myriam Gourfink // MC 93 à Bobigny

Le moment de la morsure est à guetter ... avec patience, avec une patience toute yogique.

Dans les faits, il y en a plusieurs ... de morsures, mais à vous de les découvrir. Et paradoxalement, ces instants vous surprennent par leur soudaineté et leur promptitude alors même que le parcours des danseuses sur scène se développe au ralenti ! L'origine de cette surprise paradoxale : l'état de dédoublement dans lequel vous vous trouvez puisque votre esprit a quitté doucement votre enveloppe charnelle à la contemplation de ces corps à corps d'une lenteur surnaturelle. Votre rythme cardiaque s'abaisse doucement, l'agitation dans laquelle vous étiez en arrivant vous quitte au fur et à mesure où vous rentrez dans le spectacle. Comme tout bon musicien qui accorde le public au rythme de son instrument pour le faire entrer en vibration, Myriam Gourfink et ses danseuses vous entrainent peu à peu dans cet état de pré-conscience que l'on trouve dans le monde des sensations pures, où le langage et la communication se font désormais sur un autre mode, loin du verbe et la pensée.

Attention, à ne pas aller trop loin dans cet état hypnotique pour éviter de quitter la réalité, définitivement ! Quelques beaux instants de danse où la rencontre des mouvements "à l'arrêt" de ces trois corps mêlés crée des harmonies inattendues, même si les postures sont parfois répétitives. La musique du compositeur/sculpteur sonore Kasper T. Toeplitz "repousse nos limites perspectives" (blog Myriam Gourfink). Son omniprésence (hélas) ne joue pas sur la même subtilité que la partition corporelle. 

Myriam Gourfink est une "chercheuse fondamentale" ! Danseuse de l'intérieur, elle voyage dans son corps et cherche à ressentir le parcours suivi par le mouvement dans chacun de ses muscles. C'est une démarche originale bien que difficile d'accès pour le spectateur béotien. Sa curiosité explore également l'écriture chorégraphique à travers les apports des nouveaux moyens technologiques et informatisés : une écriture mathématique en quelque sorte !

source photo : RCISSD 2010 © DR

vendredi 7 mai 2010

]DecoD]_ Studio MK27 : Design "povero" ?


Les architectes du StudioMK27 de São Paulo, dirigé par Marcio Kogan ont trouvé que les objets fabriqués par les ouvriers en bâtiment sur les lieux et pour les besoins même de leurs chantiers étaient intéressants à plusieurs points de vue : matériaux "pauvres" de récupération, techniques d'assemblages particulièrement ingénieuses et spontanées - du fait même du manque de moyens sans doute, inventivité des formes. Ils ont donc collecté ces objets pendant deux ans puis les ont « habillés » de riches parements, offrant ainsi un contraste saisissant avec la rusticité de ces meubles de chantier éphémères.

Ce travail a été exposé fin mars 2010 dans une boutique de São Paulo (Micasa). Des variantes en édition limitée de ces pièces devraient être produites par le studio dans des fourchettes de prix non négligeables (de 2.500$ à 15.000$) mais sans reversement de fonds aux ouvriers puisque les « œuvres » sont anonymes !

L’art de la récupération est à la mode, déjà bien connu au Brésil avec les frères Campana et leurs célèbres mobiliers : utilisation d'objets peu « nobles » issus de rebuts, tissus, .... C'est le discours ambiant actuel fort répandu visant à affirmer la volonté de conservation de la planète et de lutte contre la société de consommation.

Design pauvre ? Pas vraiment si l'on en croit les prix annoncés par le studio pour l'édition de ces pièces. Design "povero" à la manière de "l'arte povera" des années 70 italiennes ? Peut-être si  l'on va au delà du sens de "povero" comme indigence de moyens. Les objectifs de ce mouvement étaient au service d’une problématique plus large : se débarrasser des acquis culturels pour se concentrer sur l'expression brute, élémentaire de l’expérience artistique, s'intéresser au processus créatif débarrassé de tout esthétisme, réduit à sa plus simple expression plutôt que sur l’œuvre aboutie. Les ouvriers de Sao Paulo sont finalement très "arte povera" (par nécessité bien sûr plutôt que par posture artistique) et les créatifs du studio s'en sont aperçus : ils ont eu la volonté de mettre à nu le processus créatif brut des ouvriers qui sont bien loin des préoccupations esthétisantes des designers et qui font des meubles, comme Mr Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.

A l'inverse, le Studio MK27 semble dans une logique toute autre et est allé très loin dans l'art de la récupération : en récupérant (semble-t-il) le travail d’autrui sans compensation. Où mène l'enthousiasme des designers !

Povero, peut-être. Equitable, pas vraiment !

source : design observer
photos : Reinaldo Coser, Gabriel Arantes

jeudi 6 mai 2010

]DecoD]_Ask Emil Skovgaard

Un futur classique ? Je dirai que cela en a tout l'air ! Le cahier des charges de Finn Juhl devait le stipulait, à en croire l'intitulé de l'espace qui était consacré à l'éditeur lors du vernissage de la nouvelle exposition du très pointu magasin Illums Bolighus de Copenhague : ‘Finn Juhl’s classics meet Ask Emil Skovgaard’.

A cette occasion, avait été présentée cette table de verre aux courbes ondulantes, organiques, évoquant fortement le style art nouveau, la sobriété en plus et du coup la modernité avec. Sommes-nous en présence d'un réseau de branches ou bien d'un frontispice vaguement gothique dont l'usage a été détourné en piètement de table? Un peu des deux sans doute ! Le savoir faire est remarquable. Un artisan designer (quel bonheur !) qui aime prendre le temps de retrouver un processus de création proche de la nature et qui plus est aime se confronter au bois, parfait objet d'imperfection. Tout ce que j'aime comme approche.

Voici ses propres mots :  "Things take time and good things take good time. I like organic furniture that looks as though it was made by nature itself – without stress. Wooden furniture is also warm and obliging. To me, wood is the perfect material because it is so imperfect. It challenges me constantly. No two pieces are ever alike.”

La vidéo de fabrication présentée sur son site vaut le coup d'oeil.
Voici un autre exemple de table :

Un regret : future édition confidentielle car abordable pour quelques happy few. Dommage !


source : Journal du design
source : dailytonic