vendredi 7 mai 2010

]DecoD]_ Studio MK27 : Design "povero" ?


Les architectes du StudioMK27 de São Paulo, dirigé par Marcio Kogan ont trouvé que les objets fabriqués par les ouvriers en bâtiment sur les lieux et pour les besoins même de leurs chantiers étaient intéressants à plusieurs points de vue : matériaux "pauvres" de récupération, techniques d'assemblages particulièrement ingénieuses et spontanées - du fait même du manque de moyens sans doute, inventivité des formes. Ils ont donc collecté ces objets pendant deux ans puis les ont « habillés » de riches parements, offrant ainsi un contraste saisissant avec la rusticité de ces meubles de chantier éphémères.

Ce travail a été exposé fin mars 2010 dans une boutique de São Paulo (Micasa). Des variantes en édition limitée de ces pièces devraient être produites par le studio dans des fourchettes de prix non négligeables (de 2.500$ à 15.000$) mais sans reversement de fonds aux ouvriers puisque les « œuvres » sont anonymes !

L’art de la récupération est à la mode, déjà bien connu au Brésil avec les frères Campana et leurs célèbres mobiliers : utilisation d'objets peu « nobles » issus de rebuts, tissus, .... C'est le discours ambiant actuel fort répandu visant à affirmer la volonté de conservation de la planète et de lutte contre la société de consommation.

Design pauvre ? Pas vraiment si l'on en croit les prix annoncés par le studio pour l'édition de ces pièces. Design "povero" à la manière de "l'arte povera" des années 70 italiennes ? Peut-être si  l'on va au delà du sens de "povero" comme indigence de moyens. Les objectifs de ce mouvement étaient au service d’une problématique plus large : se débarrasser des acquis culturels pour se concentrer sur l'expression brute, élémentaire de l’expérience artistique, s'intéresser au processus créatif débarrassé de tout esthétisme, réduit à sa plus simple expression plutôt que sur l’œuvre aboutie. Les ouvriers de Sao Paulo sont finalement très "arte povera" (par nécessité bien sûr plutôt que par posture artistique) et les créatifs du studio s'en sont aperçus : ils ont eu la volonté de mettre à nu le processus créatif brut des ouvriers qui sont bien loin des préoccupations esthétisantes des designers et qui font des meubles, comme Mr Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.

A l'inverse, le Studio MK27 semble dans une logique toute autre et est allé très loin dans l'art de la récupération : en récupérant (semble-t-il) le travail d’autrui sans compensation. Où mène l'enthousiasme des designers !

Povero, peut-être. Equitable, pas vraiment !

source : design observer
photos : Reinaldo Coser, Gabriel Arantes

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