vendredi 21 mai 2010

]Danse]_ Mai 2010 danse l'Afrique du Sud : Robyn Orlin & Gregory Maqoma

Cette année, j'avais envie de partir à la découverte de nouveaux mondes, des mondes de mouvements imaginaires, de gestes imaginés par des chorégraphes venus de pays lointains qui nous racontent leurs histoires bien réelles, leur donnant vie à bout de bras, à coup de corps.

Cette année, l'Afrique du Sud est à l'honneur, Coupe du Monde de Football oblige ; de nombreux ressortissants de ce pays sont sous les feux de la rampe, notamment avec le festival de danse de La Halle de la Villette ou encore au Théâtre de la Ville / Théâtre des Abbesses : Robyn Orlin bien sûr mais aussi un danseur chorégraphe qui émerge sur la scène internationale, Gregory Maqoma.

De similitude, ils ont leur provenance géographique et un même enracinement dans la culture sud-africaine. Du temps de l'apartheid, ils ne voyaient sans doute pas le même côté de la barrière, enfermés dans deux mondes étanches aux couleurs opposées. Ils ont tous deux choisi la danse pour exprimer leur vision de la réalité africaine et sud-africaine, tous deux parlent un langage hybride et métissé, en quête d'ouverture et de diversité mais chacun avec un vocabulaire qui lui est propre.

L'une a un mode d'expression à mi chemin entre théâtre, comédie, danse, utilisant aussi par inclusion la vidéo. Foisonnant, surréaliste, frôlant l'absurde, le spectacle présenté à la Villette est une mise en abîme, coulisse d'un spectacle en préparation se jouant tout de même sur scène "pour de vrai" ; le spectacle simule la jeune démocratie qui cherche à naître, à faire vivre ensemble un peuple avec ses différences, qui se cherche avec ses égarements, ses imperfections. Parodie de la danse classique (prônée par l'apartheid), apologie du "vilain petit canard", ce spectacle "cacophonique" hautement subversif, vivant et revigorant, fait fuser le rire pour mieux avaler les pilules d'une réalisé parfois amère et draine les espoirs d'un pays nouveau. Mais c'est aussi un retour aux sources pour la chorégraphe qui s'est fait connaître en France grâce à cette représentation.

Gregory Maqoma préfère poursuivre une discussion entamée dès années auparavant avec des camarades danseurs sur les bancs de l'école d'Anne Teresa De Keersmaeker. Il parle de son Afrique du Sud en empruntant des pas qui ne sont pas les siens et, tour à tour, fait des détours par l'Inde en s'appropriant la chorégraphie traditionnelle kathak d'Akram Khan, poursuit son périple dans une Afrique plus revendicative et engagée de Faustin Linyekula et revient en Afrique du Sud pour essayer de retrouver ses ancêtres et ceux de son compatriote Vincent Mantsoe. Cet enfant des townships converse avec les grands de ce monde pour questionner le pouvoir et les atrocités qu'il engendre, interroge l'humanité,  la mémoire à travers l'importance du "nom", trouve de la beauté en tout cela. Ce spectacle Beautiful me est la fin d'un tryptique, boucle finale après Beautiful qui parlait de la beauté du monde, Beautiful us qui montrait le côté dévastateur de l'homme sur son environnement. Ce spectacle à l'écriture quelque peu hétérogène se veut un dialogue avec des alter ego chorégraphes qui poursuivent un cheminement similaire en puisant et revisitant la tradition pour créer du contemporain. Le spectacle a des accents plus authentiques lorsque Gregory Maqoma adopte un langage corporel plus proche du sien et raconte la réalité des guettos à travers des moments simples comme les compétitions bagarreuses des gamins des rues sur le moonwalk de Michael Jackson. Danseur en devenir, en route vers sa terre par des chemins détournés, Gregory Maqoma est assurément à suivre...
La conclusion inattendue de son spectacle en dit long sur ce régime oppressant que fut l'apertheid, conclusion où le public est invité à l'aider à prononcer le son "r","R" comme cette lettre de son prénom chrétien, imposé à tout enfant noir par le régime de l'apartheid pour être reconnu, et que petit, il ne parvenait même pas à prononcer ...

Spectacle de Robyn Orlin  à la Halle de la Villette du 18 au 21 mai 2010 : "Daddy, I've seen this piece 6 times before and I still don't know why they're hurting each other..."
Spectacle de Gregory Maqoma au Théâtre des Abbesses du 18 au 22 mai 2010 : "Beautiful Me"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire