mercredi 5 mai 2010

]Art & Hasard] _ François Robert fait son Bone Art


Francois Robert est photographe. Par le plus grand des hasards, il achète dans les années 90 trois coffres à une vente aux enchères. L'un d'entre eux est occupé par un squelette de Sciences Naturelles. Il le garde avec l'idée d'en faire quelque chose. Des années plus tard, désoeuvré à la faveur de la crise, il réouvre son coffre avec l'intention de donner "corps" à son idée.

Le résultat... ces photos d'une beauté dérangeante à base d'ossements humains.
Et le constat que l'art contemporain s'est indubitablement accaparé le corps humain, qui est passé du statut de simple figurant à acteur (comme matière ou support) à part entière de l'oeuvre d'art.

Les exemples sont nombreux du changement de l'image du corps dans l'art : anciennement sacralisé comme incarnation du divin, réceptacle de l'immatériel, puis étudié avec l'avancée des connaissances scientifiques, il est peu à peu disjoint de sa composante spirituelle pour être libéré et dévoilé, depuis notamment l'attentat "moderne" perpétré par Gustave Courbet avec son tableau "L'origine du Monde".
On peut citer, dans la période contemporaine, l'art scatologique de l'italien Piero Manzoni (Merda d'artista, 1961), l'art corporel (Body Art) qui met en scène le propre corps de l'artiste à des fins diverses, avec quelques marquantes interventions, la Messe pour un corps de Michel Journiac (1969), l'art charnel d'Orlan et ses nombreuses opérations esthétiques dans les années 90, plus recemment l'art anatomique de Gunther Von Hagens avec ses plastinats ... Et maintenant, le "Bone art", comme une nième provocation ?


Le respect de François Robert pour les corps utilisés est évident. L'auteur avoue d'ailleurs une fascination pour les os et le besoin d'apprivoiser l'idée de mort, à la manière des stoiciens qui gardaient toujours un squelette près d'eux pour justement se vider de toute peur, de toute douleur vis à vis de la mort.
Les objets "retranscrits" par François Robert sont des emblêmes, armes de guerre, signes religieux, ou capitalistes. Comme tout symbole, ils synthétisent une réalité, ce qui peut apparaître réducteur et simplificateur, se contentant de renforcer les évidences. Toutefois, Fançois Robert crée un véritable "alphabet de la mort" (pour citer une personne qui m'est chère !). Et c'est cette accumulation frôlant le pléonasme qui fait fonctionner l'ensemble pour rappeler, dénoncer, marteler qu'à travers la grande diversité des armes, des symboles religieux ou capitalistes (dollars, ...), se cachent la folie guerrière et meutrière de l'homme, les violences entrainées par les extrêmes religieux ou causées au nom du profit économique aboutissant invariablement à la mort.

François Robert ne manie pas la confrontation des mediums et de l'idée pour faire naitre la provocation et la prise de conscience : l'os incarne, est la mort ; son utilisation sobre suffit à décupler la force du message.
 Troublant !

source : Design Observer

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