vendredi 30 avril 2010

]Humeurs] _Encyclopédiste d'un nouveau genre // Frédéric Bruly Bouabré

J’avais envie de porter hommage à ces hommes qui par leur être et leurs convictions mènent des actions tout aussi originales que stupéfiantes. Frédéric Bruly Bouabré est de ceux là.

Frédéric Bruly Bouabré : un nom en trait d’union, entre Afrique et Europe, entre ancien et nouveau, entre oral et écrit, entre noir et blanc. Son nouveau nom d'homme «Cheik Nadro», le Révélateur ou «celui qui n’oublie pas» comme il se qualifie depuis un certain jour de mars 1948 où il eut la révélation. Mais bien d’autres désignations encore tentent de le qualifier, comme celle de «Champollion de l’Afrique Noire», en raison toujours de ce fameux jour où il se lança dans l’invention d’une écriture africaine pour l’Afrique, persuadé que la suprématie de l’Egypte et de l’Europe venait de cette écriture qui conférait la « mémoire », antidote contre l’oubli et contre l’ignorance et que les siens, et notamment son peuple Bété, ne possédait pas.

Il se met à étudier d'étranges pierres que l'on trouve dans le village de Bekora, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, des cailloux "qui ont l'aspect d'être utiles" et dont il s'inspira pour inventer les quelques 440 pictogrammes-phonèmes de son alphabet Bété.

Encyclopédiste du réel contemporain mais pas seulement, Frédéric Bruly Bouabré écrit et transcrit le monde dans ses petits dessins sur papiers cartonnés tous uniformes, d’abord pour consigner et transmettre la culture de son peuple, puis pour véritablement archiver la réalité, l’expliquer, lui donner du sens, à moins que cela ne soit, son sens, sa vision personnelle d'une réalité à travers les primes de son esprit de penseur, philosophe, poète, conteur, artiste et bien d'autres choses encore ...

Ce qui interpelle chez cet homme, à travers ce que j'en ai humblement lu : d'abord la curiosité sans fond, la soif d’apprendre, de comprendre et de partager, associés à cet esprit de "chercheur" en toutes choses. Il dit, d'ailleurs, à propos de Théodore Monod, qui publiera dans « Notes Africaines » une longue présentation et étude sur sa découverte, qu'il « sut [lui] confier l'utile et le radieux secret de la science d’observation ». Bel hommage à celui qui d'une certaine manière lui a ouvert (encore plus) les yeux !

Etre toujours en chemin à plus de 85 ans, Frédéric Bruly Bouabré, «membre authentique de l'humanité et parent de toutes les races», semble être au monde de façon si simple et si évidente.

Rencontre (virtuelle) singulière.

source photo : coll CA.A.C. The Pigozzi collection
Portrait de Frédéric Bruly Bouabré par Philippe Bordas, exposition "L’Afrique héroïque" à la Maison Européenne de la Photographie

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