mercredi 29 décembre 2010

[DecoD[ _ Putman vs Invaders // Exposition Hôtel de Ville de Paris // 29 décembre 2010

Détournement du damier emblématique noir et blanc en carreaux de grés de Madame Putman pour une rencontre du troisième type façon Space Invadors !

Cette salle de bain est vivante ! Elle semble nous questionner de son regard étrange au strabisme inquiétant, avec ses grands yeux miroirs qui tiennent autant de la mouche que de E.T.. Attention, de l'insecte, elle a gardé une trompe allongée, protubérance comique en forme de baignoire. Nous tire-t-elle la langue pour mieux se moquer, ou pour mieux nous goûter ? Je ne saurais dire...

Donc, oui, j'ai profité de cette fin d'année pour aller voir la rétrospective organisée par la ville de Paris, sous la houlette d'Olivia Putman sur le travail d'Andrée, sa mère. Du même prénom que mon aieul (mais décliné au masculin), elle en a aussi le même âge, à savoir la bagatelle de 85 printemps !

Cette aventurière du design à la longévité exceptionnelle a débuté tôt mais n'a lancé son propre studio que sur le très tard. Entre temps, elle a oeuvré à bien des nobles causes : démocratiser le design chez Prisunic, lancer de jeunes créateurs (notamment du monde de la mode) en créant la société Créateurs & Industriels, redonner vie au mobilier du passé  - celui des années 20, sa période de prédilection - dans son agence Ecart qui laissera des "traces" en rééditant des designers désormais en vogue mais alors oubliés comme Robert Mallet-Stevens, Eileen Gray, Mariano Fortuny.

Destinée à la musique par une mère pianiste, elle se défait de l'emprise de l'oreille pour tomber dans les délices de l'oeil, apprend-on dès les premiers pas de l'exposition. C'est peut-être cet amour là qui lui fera rencontrer et épouser le collectionneur, éditeur et critique d’art Jacques Putman. C'est ainsi : elle cotoiera toute sa vie les artistes contemporains les plus en vue avec qui elle se liera d'amitié (Pierre Alechinsky, Bram Van Velde, Klein, Giacometti, ...).

Les années forgeront son goût, celui particulier du vide et du rien : mieux enlever, user avec justesse de l'épure et de la sobriété, simplifier à l'extrême les lieux et les formes pour laisser affleurer l'essence des lieux, le squelette des choses ... Régner sur le rien est d'ailleurs, pour la paraphraser, pas si mal. ! Un rien, oui mais "à la française", à savoir épuré sans être restrictif ! Aller à l'essence sera également une manière de créer des ponts temporels entre les objets.  Passé, présent, futur, qu'importe ! si le mobilier d"hier porte la modernité du présent en étant  fonctionnellement adapté à ses besoins et laisse entrevoir la façon d'évoluer dans le futur.

Ironie du sort : les Etats Unis, la croyant célèbre à Paris, lui offriront cette notoriété et légitimité qu'elle n'avait pas encore en Europe. Comment ? En voulant rénover "à moindre coût" les salles de bain de l'hotel Morgans à New-York, elle proposera de les habiller d'un damier noir et blanc de carreaux de grès cérame : cette proposition forte, en résonnance avec son temps, remporta un succès immédiat et devint son emblème. Elle avait 60 ans !  
A bon entendeur !

Exposition à l'Hotel de Ville de Paris, 5 rue de Lobau, 75004 Paris
Entrée gratuite tous les jours sauf dimanches et jours fériés, de 10h à 19h
Jusqu'au 26 février 2011

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