mardi 4 octobre 2011

]Expo]_Giacometti & les Etrusques _ Pinacothèque_Mardi 4 octobre 2011


 Bon alors soyons francs, une exposition qui prévoit comme plan de présentation I- Les Etrusques, II- Giacometti et les Etrusques, III- Giacometti n’aurait pas eu 10/20 au bac français, même en 2011 !



L’exposition peine à démontrer le pont artistique que Giacometti a jeté entre l’époque contemporaine et celle des étrusques. Mis à part le lien évident entre deux sculpteurs que séparent des siècles d’histoires mais que rejoigne une même perception de la figure humaine, l’art étrusque ressemble fort à … l’art étrusque même s’il a connu plusieurs périodes. Et l’on sent bien que Giacometti a dû s’interroger sur ce sculpteur inconnu qui a laissé à l’humanité une statuette au nom évocateur de « l’Ombre de la nuit ». Quel est-il, ce sculpteur étrusque, pour avoir emprunté une représentation familière à Giacometti ? Que cherchait-il, ce pair artistique troublant ? Et qui est, pour lui, ce jeune homme à la mèche rebelle, au corps juvénile, aux membres ciselés avec grâce et détails qui s’étendent indéfiniment ?  L’on imagine sans mal que Giacometti a dû se poser ces questions, restées sans réponse. Alors oui, cette confrontation-là est intéressante. Mais, je dirais presque que c’est une affaire privée, d’homme à homme.

C’est l’élargissement à tout l’art étrusque qui semble incongru. Bien sûr, l’on connait les œuvres que Giacometti a vues au Louvre, celles qu’il a reproduites sur divers supports. Mais, elles ne l’ont pas toutes impressionnées au point de laisser une trace dans son œuvre.

Rendons tout de même à César ce qui lui appartient … Peu d’entre nous aurait pu situer avant cette exposition, l’Etrurie, cette région coincée en la Toscane et le Nord de Rome ; ni même disserter sur ces hommes, leurs vies, leur religion, leurs cultes funéraires ou encore leur réputation chez leurs voisins. Rien que pour cela, nous sommes contents d’assister à cette rétrospective.

Par ailleurs, autre intérêt, le culte cinéraire et les objets qu’il a permis de conserver. Ainsi, certains objets exposés montrent combien la modernité est une question relative. Je ne prendrai que quelques exemples qui m’ont particulièrement marquée. Les vases et autres poteries prennent des formes surprenantes de sensualité.

Les bijoux ou accessoires sont remarquables à plusieurs niveaux : extrême stylisation des motifs, ou au contraire, courbes très raffinées et travaillées, et encore, créativité et audace dans les formes comme par exemple un collier semi-ouvert ou une boucle de ceinture à triple attaches. 

lundi 5 septembre 2011

]Première] _ Camille dans les pas de Robyn, Chapelle des Recollets _ 30 août 2011


 
Je connaissais les spectacles de l'une mais n'avais jamais entendu les musiques de l'autre. 

L'une travaille la vie, brutale, celle où l'on parle d'inégalités, de sida, de ségrégations, de préjugés mais avec la désinvolture et la force de la farce. Elle apprivoise l'espace scénique pour que la vie se joue, brouillonne, tumultueuse, insensée, à travers des inventions foisonnantes, à mi-chemin entre théâtre, danse, vidéo, musique, chant. Ses spectacles nécessitent un effort de la part du spectateur qui ne doit pas se laisser arrêter par leur apparence comique, sous peine de passer à côté de cette réalité qu'ils questionnent et chahutent.

L'autre travaille sa voix comme un espace d'expérimentation introspectif, donc intime. L'exigence se sent à chaque minute, pendant cette répétition générale, lorsque’elle n’hésite pas à interrompre, recommencer, questionner le public sur son ressenti - parfois au-delà du perceptible par le commun des auditeurs - comme si elle nous avait convié à assister au dialogue incessant qui se tient dans sa tête. Ses commentaires sont d’ailleurs souvent lucides et ironiques, maniant l’humour sur elle-même, presque malgré elle.

La répétition générale a lieu dans un endroit particulier, la Chapelle du Couvent des Recollets. Murs dans leur jus, scène dépouillée au plus près des spectateurs, installations spartiates, lumières parcimonieuses, 3 musiciens, une chanteuse et le silence. Rien ne saurait détourner l'attention de ce qui se joue sur scène, à savoir la rencontre avec la voix de Camille, chanteuse plutôt technique à défaut d'être tout le temps musicale.

Ilo Veyou est l’album écrit dans l’attente puis à la naissance de son petit garçon. C'est un album éclectique où les genres musicaux se télescopent entre chansons d'inspiration médiévale comme le Berger (instant de pure poésie), chanson des années 30 (la France des photocopies), chanson pleine de babils enfantins (Bubble Lady) ...
Ce qui interpelle donc chez cette artiste, c’est son parti-pris pour repousser les limites du chant, manipuler « le matériau voix » et le confronter à des conditions hostiles. Chanter allongée, chanter dans le noir : autant de difficultés auxquelles les chanteurs ne s’attaquent pas en général et qu’elle a acceptées lorsque Robyn Orlin les lui a proposées. En cela, elle tient à la fois du chercheur pour sa volonté d'exploration de terres vierges et du sportif de haut niveau qui cherche la "performance". Elle s'y perd parfois au détriment de la spontanéité, de la musicalité et de la simplicité.

Mais quand l'équilibre entre toutes ses envies est mieux dosé, cela donne des instants de vrai plaisir !  

lundi 11 avril 2011

]Claque du jour] _ Pina de Wim Wenders



Merci Pina Bausch. Merci Wim Wenders. J'ai enfin retrouvé le monde d'où je viens. J'ai dû y séjourner un temps, il y a longtemps, mais j'avais perdu jusqu'au souvenir de ce lieu. Je l'ai enfin revu ; je me suis enfin retrouvée. L'homme aux oreilles pointues et à la main levée, c'est moi ; je suis de retour à la maison. C’est de ce lieu que je dois continuer de considérer le monde, surtout ne pas oublier de le contempler de ce point de vue là : doux, plein de mystères, léger mais signifiant.

Qu’importe. Je suis à la maison. Je sais maintenant que parfois le voile légèrement opaque qui recouvre la réalité se déchire imperceptiblement pour révéler le vrai monde. Je n’en prends conscience que maintenant par la grâce de ce film bouleversant.

Les larmes se sont mises à couler doucement au fur et à mesure des mouvements, des images, des ambiances, de la musique, des êtres. Mouvement après mouvement, note après note, le silence a soufflé sur mon cœur. Car ce film est silence, loin du tumulte quotidien. Dans ce silence, de ce silence, des choses surgissent qui n’ont pas besoin de mots pour s’exprimer ; ces choses touchent votre ventre, votre cœur, votre cou mais ne s’adressent pas à votre front. Non, il s’agit de converser avec votre âme.

Pina n’aimait pas les mots et préférait le mouvement. Je savais la trahison de(me)s mots. Je commence à comprendre pourquoi (re)commencer à danser : danser pour se (me) retrouver, danser pour se (me) sauver. « Danser sinon nous sommes perdus », Pina Bausch.

La danse, comme pierre de touche de l’évolution spirituelle, une idée que je portais sans doute en graine au fond de moi mais qui a germé ce samedi soir.

vendredi 11 mars 2011

]Claque du jour] _ Vertical Road de Akram Khan _ Théâtre de la Ville


Et la magie opère … une fois de plus, serais-je tentée de dire, et ce, malgré une arrivée chaotique où après m’être trompée de lieu de spectacle, j’ai dû faire la queue pour récupérer mon billet d’accès au Graal et finalement rater le début du spectacle.

PLEIN JOUR. Entrée sans matière, brutale donc ! Je prends de plein fouet la lumière de ce spectacle spectral. Sur scène, huit danseurs, huit singularités humaines réunies dans une même transe, par une même couleur : le blanc … de leurs costumes, de la lumière qui les inonde, de la craie qui les saupoudre. Huit danseurs parcourus d’ondes de choc, traversés par l’au-delà, corps ballotés, bras tendus de noyés de l’existence, âmes malmenées cherchant désespérément la voie vers une sagesse plus immobile. Un danseur, parfois deux, se détachent du groupe, dans un éloignement salvateur pour mieux questionner. Est-il l’un des leurs ? Que cherche-t-il ? Se séparer ou rejoindre la multitude ? Sauver l’un des leurs ? Avons-nous quitté Terre ou sommes-nous tombés au Ciel ? La réponse semble être en ce lieu coincé, au milieu de nulle part, dans quelque interstice spatio-temporel. Pourtant le temps (nous) est compté : des tablettes gisent droites sur le devant de la scène puis s’effondrent en domino pendant qu’en écho, les danseurs vivent cette onde fantôme dans leur chair.

Virtuosité de l’écriture chorégraphique : une fois de plus, Akram Khan, en grand explorateur, sort des sentiers de sa danse, ose se dérouter vers l’Afrique, le Japon et parfois, bien sûr, l’Inde mais par touche délicate, juste en passant. Certains instants sont irréels, tels les corps torturés qui se vrillent sur le sol avant de retourner à un mouvement de balancier auto-maternant ; tels encore le jeu alterné du Démiurge et de sa Chose où, à tour de rôle, un danseur prend direction du corps de l'autre en tirant des liens invisibles ; ou enfin, l'image de la rencontre de l'au-delà, certes véhiculée par l'inconscient cinématographique mais fort bien scénographiée.

Puissance chamanique de la musique qui accompagne les corps dans leur scansion tendue, nous fait entrer dans un état d’hypnose propice au décollement spirituel. Nitin Sawhney signe une partition en vibration avec la danse.

L'homme de la lumière, Jesper Kongshaug, habille ce spectacle avec brio. Son langage riche et complexe crée des ambiances lumineuses qui, en fonction du propos, détourent, révèlent ou cachent, enveloppent, rassurent ou terrorisent ; bref nous accompagnent dans notre parcours d'âme en quête de profondeur et de sérénité.

Pour tout cela, et tout ce qui reste inexpliqué, pour tout ce qu'il ne vaut mieux pas comprendre avec des mots, MERCI.

Vertical Road, Akram Khan, Théâtre de la Ville, du 4 au 13 mars 2011
Source photo Théâtre de la Ville

mercredi 29 décembre 2010

[DecoD[ _ Putman vs Invaders // Exposition Hôtel de Ville de Paris // 29 décembre 2010

Détournement du damier emblématique noir et blanc en carreaux de grés de Madame Putman pour une rencontre du troisième type façon Space Invadors !

Cette salle de bain est vivante ! Elle semble nous questionner de son regard étrange au strabisme inquiétant, avec ses grands yeux miroirs qui tiennent autant de la mouche que de E.T.. Attention, de l'insecte, elle a gardé une trompe allongée, protubérance comique en forme de baignoire. Nous tire-t-elle la langue pour mieux se moquer, ou pour mieux nous goûter ? Je ne saurais dire...

Donc, oui, j'ai profité de cette fin d'année pour aller voir la rétrospective organisée par la ville de Paris, sous la houlette d'Olivia Putman sur le travail d'Andrée, sa mère. Du même prénom que mon aieul (mais décliné au masculin), elle en a aussi le même âge, à savoir la bagatelle de 85 printemps !

Cette aventurière du design à la longévité exceptionnelle a débuté tôt mais n'a lancé son propre studio que sur le très tard. Entre temps, elle a oeuvré à bien des nobles causes : démocratiser le design chez Prisunic, lancer de jeunes créateurs (notamment du monde de la mode) en créant la société Créateurs & Industriels, redonner vie au mobilier du passé  - celui des années 20, sa période de prédilection - dans son agence Ecart qui laissera des "traces" en rééditant des designers désormais en vogue mais alors oubliés comme Robert Mallet-Stevens, Eileen Gray, Mariano Fortuny.

Destinée à la musique par une mère pianiste, elle se défait de l'emprise de l'oreille pour tomber dans les délices de l'oeil, apprend-on dès les premiers pas de l'exposition. C'est peut-être cet amour là qui lui fera rencontrer et épouser le collectionneur, éditeur et critique d’art Jacques Putman. C'est ainsi : elle cotoiera toute sa vie les artistes contemporains les plus en vue avec qui elle se liera d'amitié (Pierre Alechinsky, Bram Van Velde, Klein, Giacometti, ...).

Les années forgeront son goût, celui particulier du vide et du rien : mieux enlever, user avec justesse de l'épure et de la sobriété, simplifier à l'extrême les lieux et les formes pour laisser affleurer l'essence des lieux, le squelette des choses ... Régner sur le rien est d'ailleurs, pour la paraphraser, pas si mal. ! Un rien, oui mais "à la française", à savoir épuré sans être restrictif ! Aller à l'essence sera également une manière de créer des ponts temporels entre les objets.  Passé, présent, futur, qu'importe ! si le mobilier d"hier porte la modernité du présent en étant  fonctionnellement adapté à ses besoins et laisse entrevoir la façon d'évoluer dans le futur.

Ironie du sort : les Etats Unis, la croyant célèbre à Paris, lui offriront cette notoriété et légitimité qu'elle n'avait pas encore en Europe. Comment ? En voulant rénover "à moindre coût" les salles de bain de l'hotel Morgans à New-York, elle proposera de les habiller d'un damier noir et blanc de carreaux de grès cérame : cette proposition forte, en résonnance avec son temps, remporta un succès immédiat et devint son emblème. Elle avait 60 ans !  
A bon entendeur !

Exposition à l'Hotel de Ville de Paris, 5 rue de Lobau, 75004 Paris
Entrée gratuite tous les jours sauf dimanches et jours fériés, de 10h à 19h
Jusqu'au 26 février 2011

jeudi 2 décembre 2010

DecoD _ Design+Artisanat nippon // Exposition "Japan Brand" // Bon Marché


Voici quelques clichés de l'exposition temporaire organisée sur le design artisanal japonais au Bon Marché du 18 Novembre au 31 Décembre 2010.

Rencontre, dans ce temple du bon goût à la française, avec le raffinement japonais à travers la présentation des savoir-faire artisanaux savamment réinterprétés de manière contemporaine.

Divers corps de métiers sont représentés. 
Les ateliers de cuivre martelé du nord de Tokyo (atelier Gyokusen-dô, dans le département de Niigata) donnent naissance aux classiques services à thé ou à saké selon des techniques de façonnage et de martelage transmises entre artisans depuis la période Edo. Détail insolite : le jus de radis est utilisé pour fixer les couleurs !


L'atelier de coutellerie de Toyama Hamono à Sanjô (Niigata) se consacre à la création de ciseaux de jardinage dont chacun a sa spécificité comme la taille des bonsaïs ou la coupe des tiges de fleurs ! Usage pointu pour des ces ciseaux sont eux-mêmes de véritables sculptures !

Il y a encore ces lampes poétiques en shibori, issues d'ateliers de Kyoto, notamment celui de Katayama Bunzaburo Shoten, obtenu à partir d'une technique artisanale permettant de créer des tissus en relief aux motifs aléatoires.


Bien d'autres objets sont présentés au Bon Marché qui met à l'honneur également la beauté fonctionnelle  de la poterie de Koishiwara ou encore l'art du washi, papier fabriqué manuellement à partir de fibres de mûriers entrelacés.
La vision de ces objets poétiques est un avant-goût fort approprié pour rentrer dans l'esprit des fêtes !

lundi 15 novembre 2010

]Zikmu] _ Soirée Dum Dum Boys au Bus Palladium_ 12 novembre 2010

20h30, «Rue Fontaine, c’est au Bus Palladium que ça s’écoute! ...» dixit Gainsbourg. Je rejoins ma copine dans cet endroit mythique que je ne connais pas encore pour une soirée rock&roll entre amis. Le spectacle a déjà commencé dans la rue où je me suis fait aborder par un séducteur des trottoirs à la voix de braise surchauffée !

Le ton est donné dès l’entrée : ambiance subtilement décalée hésitant entre les fifties et les seventies d’une Amérique aux accents latins, décoration hybride, follement douce ou doucement folle où une baignoire trône, l’air détaché, dans les toilettes pour Dames. Passé le seuil du restaurant, ce subtil télescopage des cultures et des genres officie avec succès sur les murs - où les tapisseries mêlent sans complexe leurs motifs dépareillés, mais également sur les tables, chaises et objets qui habillent ce lieu d’un charme fou ! Lumières tamisées, musique originale, l’ombre de Gainsbourg, réconfortante, veille sur le Bus. On est bien, un peu comme à la maison, dans cet antre où les bourgeois du quartier, un tout petit peu bohêmes, viennent s’encanailler ! Cuisine impeccable, dépaysante à souhait, voyageant des terres d’Argentine aux torrents scandinaves avec un accent américain !

Un copain niçois nous rejoint. La soirée se poursuit en salle pour un concert de The Hub que nous sommes venus écouter et un concert des Dum Dum Boys que nous sommes venus supporter. Salle rugueuse, aussi peu apprêtée que le restaurant est sophistiqué. Mélange des styles chez les spectateurs; au Bus Palladium, venez comme vous êtes. Entre les lycéennes émoustillées qui débutent leur apprentissage de la vie nocturne et se trémoussent, aux pieds des baffles, à la recherche d’un peu d’attention des chanteurs, entre les vieux loulous lookés façon Mick Jagger / Iggy Pop avec le costume du parfait rocker « jeans noirs – santiags - lunettes noires vissées sur le nez – cheveux en pétards », vous trouverez votre place, comme nous avons trouvé la nôtre. Malgré les vapeurs d’alcool et l’ambiance de salle de concert, l’attention particulière du public pour la musique est palpable ! Le Bus Palladium, c’est presque de la recherche fondamentale en rock ! Le concert fut libérateur et l’expérience dépoussiérante - à quelques détails près ! Passé vingt ans, mieux vaut mettre ses bouchons d'oreilles et ne pas essayer le mélange vodka-pomme !

dimanche 3 octobre 2010

]Art & Hasard] _ Japon, influences et art de vivre // Marchés Serpette et Paul Bert // 2 octobre -29 Novembre 2010


Invitée à la soirée d’ouverture de l’exposition thématique « Japon, influences et art de vivre » qui s'est déroulée aux marchés Paul Bert et Serpette, vendredi 1er octobre 2010, j’ai eu l'occasion de découvrir les Puces, y musarder, m’y perdre, bref, faire plus ample connaissance lors d’une soirée unique à la lueur des étoiles !

Je les ai redécouvertes, ces Puces, frissonnantes, enveloppées dans un manteau de pluie qui les faisait doucement étinceler à la lumière des réverbères mais tellement magnifiques, apprêtées du rouge passion de la fête !

Je les ai retrouvées, proches, avec cet esprit très village et sans façon qui les habite, elles qui sont le plus grand marché de brocantes et d’antiquités du monde.

Je les ai vues, métisses, ouvertes sur un Japon lointain et proche à la fois, montrant les interdépendances et affinités existant depuis le XIXème siècle entre ces deux terres d’esthétisme, de savoir-faire et de savoir-vivre que sont la France et le Japon. Céramiques, mobiliers, estampes mais aussi art culinaire, ikebana, calligraphie ; chaque détour d’allée était prétexte à rencontres pour les amateurs curieux de découvertes japonaises.

Je me suis perdue, à force de détours et de tours, dans ce dédale énigmatique, repassant aux mêmes endroits, y dénichant à chaque fois un objet, une voix, une saveur nouvelle.

Cette nuit là, un peu de folie aussi s’était répandue à travers les allées. J’y ai rencontré des personnages attachants et bizarres, terriblement humains. Il y eut ce musicien de jazz japonais au long pardessus gris informe, « Stetson » vissé sur une tête amène et couvrant des cheveux improbables, qui vous invitait volontiers à boire le saké comme du lait. Il y eut encore cet ancien ingénieur du son (je crois) tout nouvellement installé, spécialisé dans le mobilier vintage et qui collectionnait les chaises, comme des tableaux, sur les murs de son appartement ; sa passion pour le design, devenue trop encombrante, l’avait poussé à se reconvertir pour une nouvelle vie de brocanteur.

Il y eut encore mille rencontres rafraichissantes, émouvantes, intéressantes -Yoko nous accueillant en costume traditionnel, cette brocanteuse d'objets vintage japonais inaugurant sa boutique ce soir là ; la moins surprenante fut finalement la sélection trop conventionnelle de mobiliers design par Pierre Cardin.
source Photos : site Marché Paul Bert & Serpette

lundi 27 septembre 2010

]Art & Hasard] _ Political Mother // Hofesh Schechter // 21-25 Septembre 2010

Paris / 21 Septembre 2010 / 20h15 / Théâtre de la Ville.


La brume vient vous chercher dès l’entrée du Théâtre de la Ville. Votre voisin vous parait soudain très loin, vous-même êtes, tout à coup, loin de tout : loin de l’agitation du métro que vous venez de prendre, loin de l’agitation de votre journée de travail, loin malgré cette salle comble ... Cette ouate aérienne vous enveloppe dans un cocon d’isolement. Vous êtes préparé.

Noir. La scène s’illumine faiblement et dans cette pénombre envoutante la silhouette incertaine d’un chevalier se fait harakiri. Pourquoi ? Pas de répit pour trouver la réponse. Les tableaux dansés s’entrechoquent au rythme effréné de la musique déchainée.

Tour à tour, un dictateur hurle ses infamies inintelligibles, une rock star vous électrise sous cette même violente litanie … tout cela aux sons d’une complainte de basses et de percussions, éructée, agressive et tribale. Tour à tour, vous êtes cet être ployant sous le joug d’une histoire oppressante, réfugié de camps de concentration, chevalier perdu dans les brumes du temps, bagnard d’une prison protéiforme, celle de notre terre. Tour à tour, des bras d’êtres naufragés se tendent suppliants et désespérés vers le ciel ; des corps esquissent des mouvements de réconfort, se glissant à l’unisson dans un rituel protecteur, entre la danse traditionnelle et la transe chamanique ; des duos d’amoureux semblent parfois se libérer.

Quand la musique se fait plus douce, insouciante jusqu’au comique (presque), les corps allégés du fardeau sonore s’expriment avec inventivité et vigueur, tendresse et fermeté. La mise en volume par le jeu des lumières crée une ambiance chaude et lourde de fin du monde. Les costumes des danseurs rappellent la pesanteur de l’oppression ; leurs couleurs rappellent l’Orient. On retrouve dans ces moments là les instants de magie qui avaient fait sensation la saison dernière dans le spectacle « Up Rising / In your Room ».

Dommage alors que la musique, véritable colonne vertébrale du spectacle - à laquelle chaque geste doit d’être et de disparaître - s’invite avec si peu de retenue. Cette virile présence musicale qui l’an dernier donnait tout son caractère au spectacle assomme ici les danseurs. Dommage que la référence au Dictateur soit si littérale et affaiblit la portée de ce propos d’envergure, « Political Mother », en le rendant caricatural. Dommage que le spectacle donne l’impression d’une écriture foisonnante, débordante et finalement trop adolescente !

Dommage ! Et pourtant, quelle joie je me faisais à l’idée d’une nouvelle rencontre avec ce chorégraphe qui m’avait transportée en 2009 !

Dommage !

Photo : site internet Théâtre de la Ville

mercredi 1 septembre 2010

Willy Ronis : Une poétique de l'engagement // Monnaie de Paris // 16 avril-22 août10


F-2 : Fin de l'exposition de l'exposition de Willy Ronis dans 2 heures.


J'arrive sous le porche de l'entrée de la Monnaie de Paris. Les retardataires motivés se pressent sur les dalles. lls sont venus en nombre comme moi tenter leur chance pour apercevoir les clichés du photographe avant qu'il ne soit trop tard. La queue ressemble à un serpent de mer, un très long serpent, qui s'enroule engourdi sous les arches de la cour intérieure ; lové à l'abri du soleil qui tape encore énergiquement en cette après-midi finissante.

Armée d'un bouquin et de patience, je prends place dans la file d'attente. Trente minutes après, j'entre.

Ce qui m'a marqué dans cette exposition …

Tout d’abord, le contraste entre le titre de l'exposition "Poétique de l'engagement" et l'attitude du "laisser venir" qui semble être la technique photographique de Willy Ronis. Le titre ne me semblait pas limpide. Et puis, en passant de salle en salle, en voyant ces clichés de la rue et de ses scènes quotidiennes, du monde ouvrier et de ses luttes, des instantanés pris lors de ses voyages, on comprend peu à peu cet engagement. Willy Ronis est associé à la photographie humaniste (représentée par le groupe des XV dont faisait aussi partie Robert Doisneau) qui, au sortir de la guerre, voulait redonner foi en l’être humain. Ces photographes utilisent un langage photographique basé sur l’anecdote, l’attention portée aux détails, la représentation de situations incongrues, drôles ou tendres, pour susciter l’émotion, insuffler de la poésie en toute chose. C’est en donnant à voir et à réfléchir, en témoignant de la réalité avec honnêteté et respect qu’ils espèrent la changer. D’où cette poétique de l’engagement. A côté de cela, il y la manière que Willy Ronis utilise pour y parvenir ; un « lâcher prise » et un « laisser venir » qu’il semble nécessaire de convoquer pour se mettre à disposition de l’instant, pour être à même de le recevoir et de le retenir. On sent d’ailleurs au long de l’exposition cette attente qui exige, à la fois, un certain niveau de désengagement mais aussi une attention active pour ne pas « passer à côté ». L’attente est partout, de la prise de vue au développement de la photographie.

Autre découverte pour moi, la sûreté des cadrages qui est éblouissante, à tout le moins pour moi dont l'aptitude à organiser l'image n'est pas vraiment intuitive.

Il y a encore le traitement des thèmes abordés, traitement qui rend compte sans rendre des comptes, se positionne avec justesse au niveau du sujet, à sa « hauteur symbolique » sans rester extérieur mais sans être intrusif. L’alchimie est subtile mais fonctionne souvent.

Il y a enfin cette voix qui, au fil des clichés, fourmille d’anecdotes, commente le contexte, renseigne sur l’intention, éclaire sur le résultat souhaité et tout simplement donne chair et volume à ses images planes et muettes. Willy Ronis se défiait de l’image brute et de l’interprétation si facilement erronée que l’on pouvait en faire.

Tant mieux car l’écouter à travers ses photos a été une expérience inattendue.