lundi 31 mai 2010

]Claque du jour] _ Voyage en République Démocratique du Congo // Chez les Songye

C'est à un fabuleux voyage que nous convie l'étude Castor-Hara à l'Hôtel des Ventes de Drouot, le mardi 8 juin 2010 prochain. Un voyage à travers les arts d'Afrique, d'Océanie et d'Amérique pré-colombienne.

De mon côté, c'est en République Démocratique du Congo que je me suis laissée transporter avec ces magnifiques masques et statuettes Songyé.

Tout d'abord ce magnifique masque kifwébé aux formes exceptionnelles, qui semble figurer quelque être étrange aux sens particulièrement développés, comme le suggère le commentaire du catalogue de vente : 

"... il présente un visage aux formes cubistes et figuratives disproportionnées s'imbriquant les unes dans les autres avec équilibre. Les formes sont projetées vers l'avant, elles symbolisent la vue, l'odorat et le goût associés aux épreuves subies par le jeune initié."

Ce masque représentatif de la société secrète Bwadi Bwa Kifwébé était porté par les jeunes initiés et se voulait garantir le maintien de l'ordre social. Ces masques redoutés autant pour leurs fonctions "agressives" que pour leurs hauts pouvoirs magiques étaient, pour la part masculine, ornés d'une crête sagittale aux pouvoirs proportionnels aux dimensions de cette protubérance, tandis que les masques féminins, coiffes plates, comme assagies, avaient un rôle plus doux, celui de de rechercher les informations.

La vision de face est tout aussi étonnante que celle de profil et l'on ne peut que saluer les qualités originales du sculpteur anonyme !











Par ailleurs, les statuettes Songyé présentent un couple de deux gardiens sacrés de la forêt des kifwébé, dans leurs parures de cérémonie. A la lecture du catalogue, nous apprenons que ces statuettes sont gardées (avec l'ensemble des objets cérémoniels) par un "initié aux vertus reconnues", bien à l'écart du village, dans une "case sanctuaire", sorte de gardienne de la tradition, protégée de toute intrusion des vulgaires non-initiés par un charme qui leur interdit l'entrée !  


Et l'on se prend à rêver ... à de merveilleux et nouveaux compagnons pour partager un bout de notre voyage ... bien trop terrestre ...

source : Vente Castor-Hara / 8 juin 2010 / Drouot

vendredi 21 mai 2010

]Danse]_ Mai 2010 danse l'Afrique du Sud : Robyn Orlin & Gregory Maqoma

Cette année, j'avais envie de partir à la découverte de nouveaux mondes, des mondes de mouvements imaginaires, de gestes imaginés par des chorégraphes venus de pays lointains qui nous racontent leurs histoires bien réelles, leur donnant vie à bout de bras, à coup de corps.

Cette année, l'Afrique du Sud est à l'honneur, Coupe du Monde de Football oblige ; de nombreux ressortissants de ce pays sont sous les feux de la rampe, notamment avec le festival de danse de La Halle de la Villette ou encore au Théâtre de la Ville / Théâtre des Abbesses : Robyn Orlin bien sûr mais aussi un danseur chorégraphe qui émerge sur la scène internationale, Gregory Maqoma.

De similitude, ils ont leur provenance géographique et un même enracinement dans la culture sud-africaine. Du temps de l'apartheid, ils ne voyaient sans doute pas le même côté de la barrière, enfermés dans deux mondes étanches aux couleurs opposées. Ils ont tous deux choisi la danse pour exprimer leur vision de la réalité africaine et sud-africaine, tous deux parlent un langage hybride et métissé, en quête d'ouverture et de diversité mais chacun avec un vocabulaire qui lui est propre.

L'une a un mode d'expression à mi chemin entre théâtre, comédie, danse, utilisant aussi par inclusion la vidéo. Foisonnant, surréaliste, frôlant l'absurde, le spectacle présenté à la Villette est une mise en abîme, coulisse d'un spectacle en préparation se jouant tout de même sur scène "pour de vrai" ; le spectacle simule la jeune démocratie qui cherche à naître, à faire vivre ensemble un peuple avec ses différences, qui se cherche avec ses égarements, ses imperfections. Parodie de la danse classique (prônée par l'apartheid), apologie du "vilain petit canard", ce spectacle "cacophonique" hautement subversif, vivant et revigorant, fait fuser le rire pour mieux avaler les pilules d'une réalisé parfois amère et draine les espoirs d'un pays nouveau. Mais c'est aussi un retour aux sources pour la chorégraphe qui s'est fait connaître en France grâce à cette représentation.

Gregory Maqoma préfère poursuivre une discussion entamée dès années auparavant avec des camarades danseurs sur les bancs de l'école d'Anne Teresa De Keersmaeker. Il parle de son Afrique du Sud en empruntant des pas qui ne sont pas les siens et, tour à tour, fait des détours par l'Inde en s'appropriant la chorégraphie traditionnelle kathak d'Akram Khan, poursuit son périple dans une Afrique plus revendicative et engagée de Faustin Linyekula et revient en Afrique du Sud pour essayer de retrouver ses ancêtres et ceux de son compatriote Vincent Mantsoe. Cet enfant des townships converse avec les grands de ce monde pour questionner le pouvoir et les atrocités qu'il engendre, interroge l'humanité,  la mémoire à travers l'importance du "nom", trouve de la beauté en tout cela. Ce spectacle Beautiful me est la fin d'un tryptique, boucle finale après Beautiful qui parlait de la beauté du monde, Beautiful us qui montrait le côté dévastateur de l'homme sur son environnement. Ce spectacle à l'écriture quelque peu hétérogène se veut un dialogue avec des alter ego chorégraphes qui poursuivent un cheminement similaire en puisant et revisitant la tradition pour créer du contemporain. Le spectacle a des accents plus authentiques lorsque Gregory Maqoma adopte un langage corporel plus proche du sien et raconte la réalité des guettos à travers des moments simples comme les compétitions bagarreuses des gamins des rues sur le moonwalk de Michael Jackson. Danseur en devenir, en route vers sa terre par des chemins détournés, Gregory Maqoma est assurément à suivre...
La conclusion inattendue de son spectacle en dit long sur ce régime oppressant que fut l'apertheid, conclusion où le public est invité à l'aider à prononcer le son "r","R" comme cette lettre de son prénom chrétien, imposé à tout enfant noir par le régime de l'apartheid pour être reconnu, et que petit, il ne parvenait même pas à prononcer ...

Spectacle de Robyn Orlin  à la Halle de la Villette du 18 au 21 mai 2010 : "Daddy, I've seen this piece 6 times before and I still don't know why they're hurting each other..."
Spectacle de Gregory Maqoma au Théâtre des Abbesses du 18 au 22 mai 2010 : "Beautiful Me"

mardi 11 mai 2010

]DecoD] _ Variations autour des trophées ...

Rien à ajouter sur la mode des trophées en décoration... Voici, pour s'amuser, un aperçu particulièrement parlant de la diversité des méthodes et matériaux employés :

du plus enfantin ...
Pour décorer une chambre d'enfant, rien de mieux qu'une peluche trophée du site Bianca & Family


ou encore en bambou et soie, comme chez Petit Pan, dans la plus pure tradition chinoise des cerfs-volants,

au plus sophitiqué,

Ces trophées fabriqués par Frédérique Morrel, à partir des tapisseries en point de croix d'antan savamment agencées pour un effet dépoussiéré et hyper trendy,


en passant par le plus minutieux,

avec les trophées de Gundula Weber qui sont saisissants de vérité et ont demandé des heures de travail. La raison ? Ils sont en papier, des milliers de petites franges de papier collées, assemblées les unes au autres pour un résultat époustouflant ! (exposition "Têtes de ... " à la Galerie Antonine Catzeflis qui s'est achevée en septembre dernier).



ou encore le plus sobre

Trophées proposés par Si Studio. Non, contrairement aux apparences, ce n'est pas un designer de nationalité japonaise mais chilienne qui est à l'origine de ces créations minimalistes. Ce serait trop simple à l'heure de la mondialisation !


Et j'en oublie sans doute des tas d'autres exemples, en fils de fer, en papier mâché, ....
La créativité humaine est sans limite !

lundi 10 mai 2010

]Humeurs] _ yogiques : Choisir le moment de la morsure de Myriam Gourfink // MC 93 à Bobigny

Le moment de la morsure est à guetter ... avec patience, avec une patience toute yogique.

Dans les faits, il y en a plusieurs ... de morsures, mais à vous de les découvrir. Et paradoxalement, ces instants vous surprennent par leur soudaineté et leur promptitude alors même que le parcours des danseuses sur scène se développe au ralenti ! L'origine de cette surprise paradoxale : l'état de dédoublement dans lequel vous vous trouvez puisque votre esprit a quitté doucement votre enveloppe charnelle à la contemplation de ces corps à corps d'une lenteur surnaturelle. Votre rythme cardiaque s'abaisse doucement, l'agitation dans laquelle vous étiez en arrivant vous quitte au fur et à mesure où vous rentrez dans le spectacle. Comme tout bon musicien qui accorde le public au rythme de son instrument pour le faire entrer en vibration, Myriam Gourfink et ses danseuses vous entrainent peu à peu dans cet état de pré-conscience que l'on trouve dans le monde des sensations pures, où le langage et la communication se font désormais sur un autre mode, loin du verbe et la pensée.

Attention, à ne pas aller trop loin dans cet état hypnotique pour éviter de quitter la réalité, définitivement ! Quelques beaux instants de danse où la rencontre des mouvements "à l'arrêt" de ces trois corps mêlés crée des harmonies inattendues, même si les postures sont parfois répétitives. La musique du compositeur/sculpteur sonore Kasper T. Toeplitz "repousse nos limites perspectives" (blog Myriam Gourfink). Son omniprésence (hélas) ne joue pas sur la même subtilité que la partition corporelle. 

Myriam Gourfink est une "chercheuse fondamentale" ! Danseuse de l'intérieur, elle voyage dans son corps et cherche à ressentir le parcours suivi par le mouvement dans chacun de ses muscles. C'est une démarche originale bien que difficile d'accès pour le spectateur béotien. Sa curiosité explore également l'écriture chorégraphique à travers les apports des nouveaux moyens technologiques et informatisés : une écriture mathématique en quelque sorte !

source photo : RCISSD 2010 © DR

vendredi 7 mai 2010

]DecoD]_ Studio MK27 : Design "povero" ?


Les architectes du StudioMK27 de São Paulo, dirigé par Marcio Kogan ont trouvé que les objets fabriqués par les ouvriers en bâtiment sur les lieux et pour les besoins même de leurs chantiers étaient intéressants à plusieurs points de vue : matériaux "pauvres" de récupération, techniques d'assemblages particulièrement ingénieuses et spontanées - du fait même du manque de moyens sans doute, inventivité des formes. Ils ont donc collecté ces objets pendant deux ans puis les ont « habillés » de riches parements, offrant ainsi un contraste saisissant avec la rusticité de ces meubles de chantier éphémères.

Ce travail a été exposé fin mars 2010 dans une boutique de São Paulo (Micasa). Des variantes en édition limitée de ces pièces devraient être produites par le studio dans des fourchettes de prix non négligeables (de 2.500$ à 15.000$) mais sans reversement de fonds aux ouvriers puisque les « œuvres » sont anonymes !

L’art de la récupération est à la mode, déjà bien connu au Brésil avec les frères Campana et leurs célèbres mobiliers : utilisation d'objets peu « nobles » issus de rebuts, tissus, .... C'est le discours ambiant actuel fort répandu visant à affirmer la volonté de conservation de la planète et de lutte contre la société de consommation.

Design pauvre ? Pas vraiment si l'on en croit les prix annoncés par le studio pour l'édition de ces pièces. Design "povero" à la manière de "l'arte povera" des années 70 italiennes ? Peut-être si  l'on va au delà du sens de "povero" comme indigence de moyens. Les objectifs de ce mouvement étaient au service d’une problématique plus large : se débarrasser des acquis culturels pour se concentrer sur l'expression brute, élémentaire de l’expérience artistique, s'intéresser au processus créatif débarrassé de tout esthétisme, réduit à sa plus simple expression plutôt que sur l’œuvre aboutie. Les ouvriers de Sao Paulo sont finalement très "arte povera" (par nécessité bien sûr plutôt que par posture artistique) et les créatifs du studio s'en sont aperçus : ils ont eu la volonté de mettre à nu le processus créatif brut des ouvriers qui sont bien loin des préoccupations esthétisantes des designers et qui font des meubles, comme Mr Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.

A l'inverse, le Studio MK27 semble dans une logique toute autre et est allé très loin dans l'art de la récupération : en récupérant (semble-t-il) le travail d’autrui sans compensation. Où mène l'enthousiasme des designers !

Povero, peut-être. Equitable, pas vraiment !

source : design observer
photos : Reinaldo Coser, Gabriel Arantes

jeudi 6 mai 2010

]DecoD]_Ask Emil Skovgaard

Un futur classique ? Je dirai que cela en a tout l'air ! Le cahier des charges de Finn Juhl devait le stipulait, à en croire l'intitulé de l'espace qui était consacré à l'éditeur lors du vernissage de la nouvelle exposition du très pointu magasin Illums Bolighus de Copenhague : ‘Finn Juhl’s classics meet Ask Emil Skovgaard’.

A cette occasion, avait été présentée cette table de verre aux courbes ondulantes, organiques, évoquant fortement le style art nouveau, la sobriété en plus et du coup la modernité avec. Sommes-nous en présence d'un réseau de branches ou bien d'un frontispice vaguement gothique dont l'usage a été détourné en piètement de table? Un peu des deux sans doute ! Le savoir faire est remarquable. Un artisan designer (quel bonheur !) qui aime prendre le temps de retrouver un processus de création proche de la nature et qui plus est aime se confronter au bois, parfait objet d'imperfection. Tout ce que j'aime comme approche.

Voici ses propres mots :  "Things take time and good things take good time. I like organic furniture that looks as though it was made by nature itself – without stress. Wooden furniture is also warm and obliging. To me, wood is the perfect material because it is so imperfect. It challenges me constantly. No two pieces are ever alike.”

La vidéo de fabrication présentée sur son site vaut le coup d'oeil.
Voici un autre exemple de table :

Un regret : future édition confidentielle car abordable pour quelques happy few. Dommage !


source : Journal du design
source : dailytonic

mercredi 5 mai 2010

]Art & Hasard] _ François Robert fait son Bone Art


Francois Robert est photographe. Par le plus grand des hasards, il achète dans les années 90 trois coffres à une vente aux enchères. L'un d'entre eux est occupé par un squelette de Sciences Naturelles. Il le garde avec l'idée d'en faire quelque chose. Des années plus tard, désoeuvré à la faveur de la crise, il réouvre son coffre avec l'intention de donner "corps" à son idée.

Le résultat... ces photos d'une beauté dérangeante à base d'ossements humains.
Et le constat que l'art contemporain s'est indubitablement accaparé le corps humain, qui est passé du statut de simple figurant à acteur (comme matière ou support) à part entière de l'oeuvre d'art.

Les exemples sont nombreux du changement de l'image du corps dans l'art : anciennement sacralisé comme incarnation du divin, réceptacle de l'immatériel, puis étudié avec l'avancée des connaissances scientifiques, il est peu à peu disjoint de sa composante spirituelle pour être libéré et dévoilé, depuis notamment l'attentat "moderne" perpétré par Gustave Courbet avec son tableau "L'origine du Monde".
On peut citer, dans la période contemporaine, l'art scatologique de l'italien Piero Manzoni (Merda d'artista, 1961), l'art corporel (Body Art) qui met en scène le propre corps de l'artiste à des fins diverses, avec quelques marquantes interventions, la Messe pour un corps de Michel Journiac (1969), l'art charnel d'Orlan et ses nombreuses opérations esthétiques dans les années 90, plus recemment l'art anatomique de Gunther Von Hagens avec ses plastinats ... Et maintenant, le "Bone art", comme une nième provocation ?


Le respect de François Robert pour les corps utilisés est évident. L'auteur avoue d'ailleurs une fascination pour les os et le besoin d'apprivoiser l'idée de mort, à la manière des stoiciens qui gardaient toujours un squelette près d'eux pour justement se vider de toute peur, de toute douleur vis à vis de la mort.
Les objets "retranscrits" par François Robert sont des emblêmes, armes de guerre, signes religieux, ou capitalistes. Comme tout symbole, ils synthétisent une réalité, ce qui peut apparaître réducteur et simplificateur, se contentant de renforcer les évidences. Toutefois, Fançois Robert crée un véritable "alphabet de la mort" (pour citer une personne qui m'est chère !). Et c'est cette accumulation frôlant le pléonasme qui fait fonctionner l'ensemble pour rappeler, dénoncer, marteler qu'à travers la grande diversité des armes, des symboles religieux ou capitalistes (dollars, ...), se cachent la folie guerrière et meutrière de l'homme, les violences entrainées par les extrêmes religieux ou causées au nom du profit économique aboutissant invariablement à la mort.

François Robert ne manie pas la confrontation des mediums et de l'idée pour faire naitre la provocation et la prise de conscience : l'os incarne, est la mort ; son utilisation sobre suffit à décupler la force du message.
 Troublant !

source : Design Observer