mardi 4 octobre 2011

]Expo]_Giacometti & les Etrusques _ Pinacothèque_Mardi 4 octobre 2011


 Bon alors soyons francs, une exposition qui prévoit comme plan de présentation I- Les Etrusques, II- Giacometti et les Etrusques, III- Giacometti n’aurait pas eu 10/20 au bac français, même en 2011 !



L’exposition peine à démontrer le pont artistique que Giacometti a jeté entre l’époque contemporaine et celle des étrusques. Mis à part le lien évident entre deux sculpteurs que séparent des siècles d’histoires mais que rejoigne une même perception de la figure humaine, l’art étrusque ressemble fort à … l’art étrusque même s’il a connu plusieurs périodes. Et l’on sent bien que Giacometti a dû s’interroger sur ce sculpteur inconnu qui a laissé à l’humanité une statuette au nom évocateur de « l’Ombre de la nuit ». Quel est-il, ce sculpteur étrusque, pour avoir emprunté une représentation familière à Giacometti ? Que cherchait-il, ce pair artistique troublant ? Et qui est, pour lui, ce jeune homme à la mèche rebelle, au corps juvénile, aux membres ciselés avec grâce et détails qui s’étendent indéfiniment ?  L’on imagine sans mal que Giacometti a dû se poser ces questions, restées sans réponse. Alors oui, cette confrontation-là est intéressante. Mais, je dirais presque que c’est une affaire privée, d’homme à homme.

C’est l’élargissement à tout l’art étrusque qui semble incongru. Bien sûr, l’on connait les œuvres que Giacometti a vues au Louvre, celles qu’il a reproduites sur divers supports. Mais, elles ne l’ont pas toutes impressionnées au point de laisser une trace dans son œuvre.

Rendons tout de même à César ce qui lui appartient … Peu d’entre nous aurait pu situer avant cette exposition, l’Etrurie, cette région coincée en la Toscane et le Nord de Rome ; ni même disserter sur ces hommes, leurs vies, leur religion, leurs cultes funéraires ou encore leur réputation chez leurs voisins. Rien que pour cela, nous sommes contents d’assister à cette rétrospective.

Par ailleurs, autre intérêt, le culte cinéraire et les objets qu’il a permis de conserver. Ainsi, certains objets exposés montrent combien la modernité est une question relative. Je ne prendrai que quelques exemples qui m’ont particulièrement marquée. Les vases et autres poteries prennent des formes surprenantes de sensualité.

Les bijoux ou accessoires sont remarquables à plusieurs niveaux : extrême stylisation des motifs, ou au contraire, courbes très raffinées et travaillées, et encore, créativité et audace dans les formes comme par exemple un collier semi-ouvert ou une boucle de ceinture à triple attaches. 

lundi 5 septembre 2011

]Première] _ Camille dans les pas de Robyn, Chapelle des Recollets _ 30 août 2011


 
Je connaissais les spectacles de l'une mais n'avais jamais entendu les musiques de l'autre. 

L'une travaille la vie, brutale, celle où l'on parle d'inégalités, de sida, de ségrégations, de préjugés mais avec la désinvolture et la force de la farce. Elle apprivoise l'espace scénique pour que la vie se joue, brouillonne, tumultueuse, insensée, à travers des inventions foisonnantes, à mi-chemin entre théâtre, danse, vidéo, musique, chant. Ses spectacles nécessitent un effort de la part du spectateur qui ne doit pas se laisser arrêter par leur apparence comique, sous peine de passer à côté de cette réalité qu'ils questionnent et chahutent.

L'autre travaille sa voix comme un espace d'expérimentation introspectif, donc intime. L'exigence se sent à chaque minute, pendant cette répétition générale, lorsque’elle n’hésite pas à interrompre, recommencer, questionner le public sur son ressenti - parfois au-delà du perceptible par le commun des auditeurs - comme si elle nous avait convié à assister au dialogue incessant qui se tient dans sa tête. Ses commentaires sont d’ailleurs souvent lucides et ironiques, maniant l’humour sur elle-même, presque malgré elle.

La répétition générale a lieu dans un endroit particulier, la Chapelle du Couvent des Recollets. Murs dans leur jus, scène dépouillée au plus près des spectateurs, installations spartiates, lumières parcimonieuses, 3 musiciens, une chanteuse et le silence. Rien ne saurait détourner l'attention de ce qui se joue sur scène, à savoir la rencontre avec la voix de Camille, chanteuse plutôt technique à défaut d'être tout le temps musicale.

Ilo Veyou est l’album écrit dans l’attente puis à la naissance de son petit garçon. C'est un album éclectique où les genres musicaux se télescopent entre chansons d'inspiration médiévale comme le Berger (instant de pure poésie), chanson des années 30 (la France des photocopies), chanson pleine de babils enfantins (Bubble Lady) ...
Ce qui interpelle donc chez cette artiste, c’est son parti-pris pour repousser les limites du chant, manipuler « le matériau voix » et le confronter à des conditions hostiles. Chanter allongée, chanter dans le noir : autant de difficultés auxquelles les chanteurs ne s’attaquent pas en général et qu’elle a acceptées lorsque Robyn Orlin les lui a proposées. En cela, elle tient à la fois du chercheur pour sa volonté d'exploration de terres vierges et du sportif de haut niveau qui cherche la "performance". Elle s'y perd parfois au détriment de la spontanéité, de la musicalité et de la simplicité.

Mais quand l'équilibre entre toutes ses envies est mieux dosé, cela donne des instants de vrai plaisir !  

lundi 11 avril 2011

]Claque du jour] _ Pina de Wim Wenders



Merci Pina Bausch. Merci Wim Wenders. J'ai enfin retrouvé le monde d'où je viens. J'ai dû y séjourner un temps, il y a longtemps, mais j'avais perdu jusqu'au souvenir de ce lieu. Je l'ai enfin revu ; je me suis enfin retrouvée. L'homme aux oreilles pointues et à la main levée, c'est moi ; je suis de retour à la maison. C’est de ce lieu que je dois continuer de considérer le monde, surtout ne pas oublier de le contempler de ce point de vue là : doux, plein de mystères, léger mais signifiant.

Qu’importe. Je suis à la maison. Je sais maintenant que parfois le voile légèrement opaque qui recouvre la réalité se déchire imperceptiblement pour révéler le vrai monde. Je n’en prends conscience que maintenant par la grâce de ce film bouleversant.

Les larmes se sont mises à couler doucement au fur et à mesure des mouvements, des images, des ambiances, de la musique, des êtres. Mouvement après mouvement, note après note, le silence a soufflé sur mon cœur. Car ce film est silence, loin du tumulte quotidien. Dans ce silence, de ce silence, des choses surgissent qui n’ont pas besoin de mots pour s’exprimer ; ces choses touchent votre ventre, votre cœur, votre cou mais ne s’adressent pas à votre front. Non, il s’agit de converser avec votre âme.

Pina n’aimait pas les mots et préférait le mouvement. Je savais la trahison de(me)s mots. Je commence à comprendre pourquoi (re)commencer à danser : danser pour se (me) retrouver, danser pour se (me) sauver. « Danser sinon nous sommes perdus », Pina Bausch.

La danse, comme pierre de touche de l’évolution spirituelle, une idée que je portais sans doute en graine au fond de moi mais qui a germé ce samedi soir.

vendredi 11 mars 2011

]Claque du jour] _ Vertical Road de Akram Khan _ Théâtre de la Ville


Et la magie opère … une fois de plus, serais-je tentée de dire, et ce, malgré une arrivée chaotique où après m’être trompée de lieu de spectacle, j’ai dû faire la queue pour récupérer mon billet d’accès au Graal et finalement rater le début du spectacle.

PLEIN JOUR. Entrée sans matière, brutale donc ! Je prends de plein fouet la lumière de ce spectacle spectral. Sur scène, huit danseurs, huit singularités humaines réunies dans une même transe, par une même couleur : le blanc … de leurs costumes, de la lumière qui les inonde, de la craie qui les saupoudre. Huit danseurs parcourus d’ondes de choc, traversés par l’au-delà, corps ballotés, bras tendus de noyés de l’existence, âmes malmenées cherchant désespérément la voie vers une sagesse plus immobile. Un danseur, parfois deux, se détachent du groupe, dans un éloignement salvateur pour mieux questionner. Est-il l’un des leurs ? Que cherche-t-il ? Se séparer ou rejoindre la multitude ? Sauver l’un des leurs ? Avons-nous quitté Terre ou sommes-nous tombés au Ciel ? La réponse semble être en ce lieu coincé, au milieu de nulle part, dans quelque interstice spatio-temporel. Pourtant le temps (nous) est compté : des tablettes gisent droites sur le devant de la scène puis s’effondrent en domino pendant qu’en écho, les danseurs vivent cette onde fantôme dans leur chair.

Virtuosité de l’écriture chorégraphique : une fois de plus, Akram Khan, en grand explorateur, sort des sentiers de sa danse, ose se dérouter vers l’Afrique, le Japon et parfois, bien sûr, l’Inde mais par touche délicate, juste en passant. Certains instants sont irréels, tels les corps torturés qui se vrillent sur le sol avant de retourner à un mouvement de balancier auto-maternant ; tels encore le jeu alterné du Démiurge et de sa Chose où, à tour de rôle, un danseur prend direction du corps de l'autre en tirant des liens invisibles ; ou enfin, l'image de la rencontre de l'au-delà, certes véhiculée par l'inconscient cinématographique mais fort bien scénographiée.

Puissance chamanique de la musique qui accompagne les corps dans leur scansion tendue, nous fait entrer dans un état d’hypnose propice au décollement spirituel. Nitin Sawhney signe une partition en vibration avec la danse.

L'homme de la lumière, Jesper Kongshaug, habille ce spectacle avec brio. Son langage riche et complexe crée des ambiances lumineuses qui, en fonction du propos, détourent, révèlent ou cachent, enveloppent, rassurent ou terrorisent ; bref nous accompagnent dans notre parcours d'âme en quête de profondeur et de sérénité.

Pour tout cela, et tout ce qui reste inexpliqué, pour tout ce qu'il ne vaut mieux pas comprendre avec des mots, MERCI.

Vertical Road, Akram Khan, Théâtre de la Ville, du 4 au 13 mars 2011
Source photo Théâtre de la Ville