lundi 27 septembre 2010

]Art & Hasard] _ Political Mother // Hofesh Schechter // 21-25 Septembre 2010

Paris / 21 Septembre 2010 / 20h15 / Théâtre de la Ville.


La brume vient vous chercher dès l’entrée du Théâtre de la Ville. Votre voisin vous parait soudain très loin, vous-même êtes, tout à coup, loin de tout : loin de l’agitation du métro que vous venez de prendre, loin de l’agitation de votre journée de travail, loin malgré cette salle comble ... Cette ouate aérienne vous enveloppe dans un cocon d’isolement. Vous êtes préparé.

Noir. La scène s’illumine faiblement et dans cette pénombre envoutante la silhouette incertaine d’un chevalier se fait harakiri. Pourquoi ? Pas de répit pour trouver la réponse. Les tableaux dansés s’entrechoquent au rythme effréné de la musique déchainée.

Tour à tour, un dictateur hurle ses infamies inintelligibles, une rock star vous électrise sous cette même violente litanie … tout cela aux sons d’une complainte de basses et de percussions, éructée, agressive et tribale. Tour à tour, vous êtes cet être ployant sous le joug d’une histoire oppressante, réfugié de camps de concentration, chevalier perdu dans les brumes du temps, bagnard d’une prison protéiforme, celle de notre terre. Tour à tour, des bras d’êtres naufragés se tendent suppliants et désespérés vers le ciel ; des corps esquissent des mouvements de réconfort, se glissant à l’unisson dans un rituel protecteur, entre la danse traditionnelle et la transe chamanique ; des duos d’amoureux semblent parfois se libérer.

Quand la musique se fait plus douce, insouciante jusqu’au comique (presque), les corps allégés du fardeau sonore s’expriment avec inventivité et vigueur, tendresse et fermeté. La mise en volume par le jeu des lumières crée une ambiance chaude et lourde de fin du monde. Les costumes des danseurs rappellent la pesanteur de l’oppression ; leurs couleurs rappellent l’Orient. On retrouve dans ces moments là les instants de magie qui avaient fait sensation la saison dernière dans le spectacle « Up Rising / In your Room ».

Dommage alors que la musique, véritable colonne vertébrale du spectacle - à laquelle chaque geste doit d’être et de disparaître - s’invite avec si peu de retenue. Cette virile présence musicale qui l’an dernier donnait tout son caractère au spectacle assomme ici les danseurs. Dommage que la référence au Dictateur soit si littérale et affaiblit la portée de ce propos d’envergure, « Political Mother », en le rendant caricatural. Dommage que le spectacle donne l’impression d’une écriture foisonnante, débordante et finalement trop adolescente !

Dommage ! Et pourtant, quelle joie je me faisais à l’idée d’une nouvelle rencontre avec ce chorégraphe qui m’avait transportée en 2009 !

Dommage !

Photo : site internet Théâtre de la Ville

mercredi 1 septembre 2010

Willy Ronis : Une poétique de l'engagement // Monnaie de Paris // 16 avril-22 août10


F-2 : Fin de l'exposition de l'exposition de Willy Ronis dans 2 heures.


J'arrive sous le porche de l'entrée de la Monnaie de Paris. Les retardataires motivés se pressent sur les dalles. lls sont venus en nombre comme moi tenter leur chance pour apercevoir les clichés du photographe avant qu'il ne soit trop tard. La queue ressemble à un serpent de mer, un très long serpent, qui s'enroule engourdi sous les arches de la cour intérieure ; lové à l'abri du soleil qui tape encore énergiquement en cette après-midi finissante.

Armée d'un bouquin et de patience, je prends place dans la file d'attente. Trente minutes après, j'entre.

Ce qui m'a marqué dans cette exposition …

Tout d’abord, le contraste entre le titre de l'exposition "Poétique de l'engagement" et l'attitude du "laisser venir" qui semble être la technique photographique de Willy Ronis. Le titre ne me semblait pas limpide. Et puis, en passant de salle en salle, en voyant ces clichés de la rue et de ses scènes quotidiennes, du monde ouvrier et de ses luttes, des instantanés pris lors de ses voyages, on comprend peu à peu cet engagement. Willy Ronis est associé à la photographie humaniste (représentée par le groupe des XV dont faisait aussi partie Robert Doisneau) qui, au sortir de la guerre, voulait redonner foi en l’être humain. Ces photographes utilisent un langage photographique basé sur l’anecdote, l’attention portée aux détails, la représentation de situations incongrues, drôles ou tendres, pour susciter l’émotion, insuffler de la poésie en toute chose. C’est en donnant à voir et à réfléchir, en témoignant de la réalité avec honnêteté et respect qu’ils espèrent la changer. D’où cette poétique de l’engagement. A côté de cela, il y la manière que Willy Ronis utilise pour y parvenir ; un « lâcher prise » et un « laisser venir » qu’il semble nécessaire de convoquer pour se mettre à disposition de l’instant, pour être à même de le recevoir et de le retenir. On sent d’ailleurs au long de l’exposition cette attente qui exige, à la fois, un certain niveau de désengagement mais aussi une attention active pour ne pas « passer à côté ». L’attente est partout, de la prise de vue au développement de la photographie.

Autre découverte pour moi, la sûreté des cadrages qui est éblouissante, à tout le moins pour moi dont l'aptitude à organiser l'image n'est pas vraiment intuitive.

Il y a encore le traitement des thèmes abordés, traitement qui rend compte sans rendre des comptes, se positionne avec justesse au niveau du sujet, à sa « hauteur symbolique » sans rester extérieur mais sans être intrusif. L’alchimie est subtile mais fonctionne souvent.

Il y a enfin cette voix qui, au fil des clichés, fourmille d’anecdotes, commente le contexte, renseigne sur l’intention, éclaire sur le résultat souhaité et tout simplement donne chair et volume à ses images planes et muettes. Willy Ronis se défiait de l’image brute et de l’interprétation si facilement erronée que l’on pouvait en faire.

Tant mieux car l’écouter à travers ses photos a été une expérience inattendue.