vendredi 11 mars 2011

]Claque du jour] _ Vertical Road de Akram Khan _ Théâtre de la Ville


Et la magie opère … une fois de plus, serais-je tentée de dire, et ce, malgré une arrivée chaotique où après m’être trompée de lieu de spectacle, j’ai dû faire la queue pour récupérer mon billet d’accès au Graal et finalement rater le début du spectacle.

PLEIN JOUR. Entrée sans matière, brutale donc ! Je prends de plein fouet la lumière de ce spectacle spectral. Sur scène, huit danseurs, huit singularités humaines réunies dans une même transe, par une même couleur : le blanc … de leurs costumes, de la lumière qui les inonde, de la craie qui les saupoudre. Huit danseurs parcourus d’ondes de choc, traversés par l’au-delà, corps ballotés, bras tendus de noyés de l’existence, âmes malmenées cherchant désespérément la voie vers une sagesse plus immobile. Un danseur, parfois deux, se détachent du groupe, dans un éloignement salvateur pour mieux questionner. Est-il l’un des leurs ? Que cherche-t-il ? Se séparer ou rejoindre la multitude ? Sauver l’un des leurs ? Avons-nous quitté Terre ou sommes-nous tombés au Ciel ? La réponse semble être en ce lieu coincé, au milieu de nulle part, dans quelque interstice spatio-temporel. Pourtant le temps (nous) est compté : des tablettes gisent droites sur le devant de la scène puis s’effondrent en domino pendant qu’en écho, les danseurs vivent cette onde fantôme dans leur chair.

Virtuosité de l’écriture chorégraphique : une fois de plus, Akram Khan, en grand explorateur, sort des sentiers de sa danse, ose se dérouter vers l’Afrique, le Japon et parfois, bien sûr, l’Inde mais par touche délicate, juste en passant. Certains instants sont irréels, tels les corps torturés qui se vrillent sur le sol avant de retourner à un mouvement de balancier auto-maternant ; tels encore le jeu alterné du Démiurge et de sa Chose où, à tour de rôle, un danseur prend direction du corps de l'autre en tirant des liens invisibles ; ou enfin, l'image de la rencontre de l'au-delà, certes véhiculée par l'inconscient cinématographique mais fort bien scénographiée.

Puissance chamanique de la musique qui accompagne les corps dans leur scansion tendue, nous fait entrer dans un état d’hypnose propice au décollement spirituel. Nitin Sawhney signe une partition en vibration avec la danse.

L'homme de la lumière, Jesper Kongshaug, habille ce spectacle avec brio. Son langage riche et complexe crée des ambiances lumineuses qui, en fonction du propos, détourent, révèlent ou cachent, enveloppent, rassurent ou terrorisent ; bref nous accompagnent dans notre parcours d'âme en quête de profondeur et de sérénité.

Pour tout cela, et tout ce qui reste inexpliqué, pour tout ce qu'il ne vaut mieux pas comprendre avec des mots, MERCI.

Vertical Road, Akram Khan, Théâtre de la Ville, du 4 au 13 mars 2011
Source photo Théâtre de la Ville